«La consommation du cannabis est si étendue en Suisse qu’une interdiction ne fait plus sens». Ainsi s’exprimait récemment un représentant de l’Office fédéral de la santé publique. Plusieurs pays explorent parallèlement une légalisation générale. On peut penser ce qu’on veut du mérite d’une telle logique. Le verdict du point de vue de l’investisseur est plus simple.
Les critères ESG (Environmental Social Governance) sanctionnent le comportement des entreprises et guident l’investissement responsable. Ainsi des entreprises et secteurs entiers mêlés à des controverses en matière environnementale, sociale ou de gouvernance – l’industrie du charbon, du tabac et la pornographie par exemple - se trouvent exclues de fonds ESG, en raison de leurs effets nuisibles sur l’environnement et la société. Si le chanvre a certainement des applications industrielles sans aucune controverse, l’industrie du cannabis qui dessert la consommation récréative est à placer sur la liste noire.
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ainsi que différents instituts à la pointe de la recherche sur la santé psychique ont établi que la consommation régulière de cannabis parmi les jeunes affecte leur développement cognitif et leurs résultats scolaires et augmente les risques de dépression ou même de psychose dans les années ultérieures. Il faut noter ici encore que la légalisation du cannabis favorise une consommation accrue de cannabis à haute teneur en THC et contribue ainsi directement à exposer les adeptes à des risques de santé psychique.
Les prix des actions des entreprises de cannabis cotées en bourse au Canada sont aujourd’hui 50-90% plus bas qu’en octobre 2018.
L’exemple canadien – première nation industrielle à avoir décidé une légalisation générale du cannabis et ayant des entreprises cotées en bourse dans le secteur – dévoile non seulement le problème de responsabilité sociale des entreprises fournisseuses de la consommation récréative mais celles-ci sont de surcroît non-profitables. Les prix des actions des entreprises de cannabis cotées en bourse au Canada sont aujourd’hui 50-90% plus bas qu’en octobre 2018, quand ce pays légalisa le cannabis. Les marges sont maigres ou même négatives et les ventes restent en dessous des attentes en raison de la concurrence du cannabis illégal. Au final, les recettes fiscales sont de loin inférieures à celles du tabac.
L’industrie du Cannabis ne convainc donc pas ni du point de vue de la responsabilité sociale ni de l’intérêt financier.
Si l’Office fédéral de la santé ne peut montrer les conséquences de santé publique et de société de la consommation récréative légalisée de cannabis, du moins les investisseurs pourront se faire une idée.
*Nannette Hechler-Fayd’herbe est Global Head of Economics & Research et CIO International Wealth Management chez Credit Suisse