L’Europe sort d’une crise sanitaire qui a éprouvé son système de santé et révélé son manque d’autonomie en termes de R&D et d’innovation. Plus que jamais, la capacité à connecter entreprises, chercheurs et soignants, pour les placer au service des patients, s’avère une priorité.
Le secteur de la healthtech, tissu riche de milliers de start-up et de PME dédiées au développement des médicaments, dispositifs médicaux et outils digitaux innovants, constitue un pont entre la recherche académique et l’industrie. Il apparaît comme un maillon essentiel pour bâtir une Europe de la santé innovante, face aux défis de santé publique, et compétitive, face aux écosystèmes américains et asiatiques.
Gagner en taille critique pour attirer les financements
L’Europe dispose sans doute de la première masse de ressources scientifiques au monde. Terreau fertile pour les start-up de la healthtech, elle se heurte cependant à l’insuffisance des financements pour les développements à long terme. Trop de technologies européennes sont acquises par des acteurs étrangers, à l’instar du vaccin anti-Covid de la biotech allemande BioNTech, commercialisé par l’américain Pfizer.
Si l’écosystème suisse bénéficie de flux d’investissement solides – un montant record de 3,3 milliards de francs suisses ont été investis dans les biotechs helvétiques en 2021 – force est de constater que l’offre de capital-risque dédié aux sciences de la vie ne répond pas aux besoins croissants de nos start-up. En grandissant, ces dernières se tournent souvent vers le Nasdaq quand elle ne sont pas rachetées par des industriels.
Il est temps de promouvoir, à travers toute l’Europe, l’expansion de grands pôles healthtech transfrontaliers, autonomes vis-à-vis des gouvernements nationaux et dotés d’une taille critique et d’une visibilité internationale qui les rendent capables d’attirer les financements, les partenaires industriels et les talents du monde entier. «Paris-Saclay» en France, la biotech «Valley wallonne» en Belgique, ou le «BiotechPark Berlin-Buch» en Allemagne, représentent de belles initiatives La Suisse peut aussi s’enorgueillir de clusters biotech très dynamiques tels que l’Arc lémanique (Lausanne, Genève…) ou encore l’arc Zurich-Bâle. Il nous reste à nous ouvrir davantage au-delà de nos frontières.
Réintégrer la Suisse et le Royaume-Uni dans une dynamique européenne de l’innovation
L’Europe doit renforcer sa recherche. Nous saluons les initiatives prises par l’Union Européenne sur ce terrain, à travers notamment l’European Innovation Council (EIC). Mais nous lançons aujourd’hui un appel à lever les restrictions qui freinent les collaborations entre les chercheurs de l’UE et ceux de pays extérieurs. Nous relayons, en ce sens, l'initiative "Stick to Science" lancée par la communauté scientifique européenne en faveur d’une collaboration ouverte et sans obstacles entre les acteurs de la recherche et de l'innovation en Europe. En effet, les retards pris dans la mise en œuvre des accords d'association avec la Suisse et le Royaume-Uni ont des conséquences dommageables, surtout si elles poussent demain les meilleures équipes scientifiques de ces pays à privilégier les collaborations avec leurs confrères asiatiques et américains, au détriment de leurs voisins directs.
Durant la crise sanitaire, les essais cliniques ont été drastiquement facilités en Europe, pour répondre à l’urgence. Alors que l’Union Européenne prend des initiatives fortes vers la création d’une autorité unique de régulation, ouvrons la réflexion chez nous, en Suisse, sur les possibilités de rapprochement. Gagner en attractivité internationale sur ce terrain est un enjeu majeur, pour offrir à nos entreprises les moyens de mener leurs développements et pour favoriser l’accès des patients aux traitements innovants.
En consolidant dans une vision transfrontalière tous les maillons de la chaîne de l’écosystème en santé, l’Europe saura valoriser l’héritage précieux de sa recherche académique, au bénéfice de son économie et des patients. La santé est le cœur de notre vision commune du vivre-ensemble. Cette ambition économique sera le pilier d’une Europe qui doit devenir un réel projet humain de civilisation.