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Pour un service public de l’information

Supprimer la redevance, un impôt par tête de pipe, peut se défendre, mais pas pour les raisons avancées par l’initiative populaire «200 francs, ça suffit». Par Jacques Neirynck

La SSR compte 6957 employés, un chiffre d’affaires annuel de 1,55 milliard de francs, 17 stations radio et 7 chaînes TV ainsi que des sites internet et des services de télétexte.
KEYSTONE
La SSR compte 6957 employés, un chiffre d’affaires annuel de 1,55 milliard de francs, 17 stations radio et 7 chaînes TV ainsi que des sites internet et des services de télétexte.
Jacques Neirynck
Ancien conseiller national
28 août 2023, 15h00
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Une fois de plus, la SSR est dans le viseur de la droite qui lui reproche une complaisance à l’égard des thèses de la gauche. Un comité bourgeois et interpartis veut abaisser la redevance de la radio et de la télévision de 335 à 200 francs par an. Ses représentants ont présenté à Berne l’initiative populaire intitulée «200 francs, ça suffit». Une nouvelle votation sur la redevance radio/TV aura bien lieu.

Si la réduction de la redevance en votation était appliquée, la plus grande entreprise de médias électroniques de Suisse serait ébranlée dans sa mission nationale avec son effectif de 6957 employés, son chiffre d’affaires annuel de 1,55 milliard de francs, 17 stations radio et 7 chaînes TV ainsi que des sites internet et des services de télétexte, étonnant total qu’il ne serait plus possible de soutenir. On doit au minimum considérer cette dimension de la question dans un pays multiculturel dont la SSR est indubitablement un ciment.

Le débat porte aussi sur le fond: la SSR est-elle investie par des gauchistes? Ou bien est-ce un organe d’information impartial? Le procès d’intention qui lui est fait repose-t-il sur des faits avérés? Faut-il un organe d’information de service public? Après tout, l’essentiel de la presse n’est pas en mains privées. Pourquoi la télévision et la radio comportent-elles cette exception de service public?

Accuser la SSR de gauchisme est un faux procès qui révèle les véritables intentions des initiants

Jacques Neirynck

Il y eut des contraintes historiques. Aux débuts, la télévision ne pouvait être qu’un quasi-monopole par suite de nombre restreint de chaînes que l’on pouvait diffuser. Il y avait aussi très peu de téléspectateurs, qu’il était normal de viser par une taxe liée à la possession d’un téléviseur. Le paysage audiovisuel n’a plus rien à voir avec celui de 1950: les chaînes diffusées se comptent par centaines, une multitude d’appareils parviennent à les capter. Dès lors une redevance imposée à tous les ménages et aux entreprises revient à un injustifié impôt de capitation, par tête de pipe, indépendamment du revenu et du capital. A abolir donc comme cela a été fait en France au bénéfice d’un soutien par les impôts.

Sous ce juste aménagement, il ne faudrait pas que la fonction de la SSR soit modifiée ou amoindrie. L’accuser de gauchisme est un faux procès qui révèle les véritables intentions des initiants. Ils sont allés jusqu’à mettre en cause la rubrique météorologique, en lui reprochant de parler de canicule et d’apporter de l’eau au moulin du réchauffement climatique. C’est dans la logique du populisme, qui convoque des électeurs opposés à tout: contre la vaccination Covid, contre le soutien à l’Ukraine, contre le réchauffement climatique, contre l’Union européenne et l’ONU. Un déni de réalité agencé pour recruter des électeurs mal informés. Contre ce qui est pour et pour ce qui est contre.

En revanche, la SSR diffuse une information factuelle, qui de ce fait contredit la vision complotiste d’une certaine droite. C’est le même conflit qu’entre la manipulation de l’opinion russe et l’action de journalistes dissidents, que le pouvoir poutinien redoute au point de les emprisonner ou de les exécuter. Belle illustration du quatrième pouvoir démocratique que constitue une presse libre, insupportable pour les partisans d’un pouvoir illibéral.