Dans le cadre des négociations avec l’Union européenne, une pierre d’achoppement a souvent été la défense des salaires, un sujet particulièrement sensible pour la gauche. Dans ce registre, pour obtenir un permis de travail pour un employé extra-européen, un employeur a actuellement l’obligation de prouver aux autorités compétentes que le salaire prévu est conforme au niveau du marché suisse. Pour faciliter cette démarche, les autorités fédérales ont même mis sur pied un calculateur de salaire, un peu à l’instar de ce qui se fait ou se faisait dans les économies planifiées…
Au contraire de nombreux pays, il n’existe pas de salaire minimum national en Suisse même si quelques cantons (comme Genève) appliquent depuis peu des salaires minimums qui s’ajoutent aux conventions collectives par branche.
Je pense que si le taux de chômage est très bas, cela est en partie dû à l’absence de salaire minimum national
Philippe D. Monnier
A dire vrai, j’ai toujours été sceptique quant à tous ces moyens artificiels de soutenir les salaires. Je pense même que si le taux de chômage est très bas en Suisse, cela est en partie dû à l’absence de salaire minimum national et à la relative rareté de mesures similaires. Plus généralement, si les conditions économiques ne sont plus attractives en Suisse, les entrepreneurs (suisses ou étrangers) finiront tout simplement par aller voir ailleurs. A mon sens, le seul moyen d’assurer des salaires élevés sur le long terme est de mettre l’accent sur la compétence des employés.
Pour lutter contre les salaires élevés, cela fait longtemps que les entreprises helvètes ont recours à plusieurs méthodes. Par exemple en délocalisant – parfois en catimini – des fonctions de back-office, du type comptabilité ou développement informatique. Depuis le début de ce siècle, l’internet a certainement favorisé ces développements.
En outre, j’observe de plus en plus une nouvelle tendance. Durant la pandémie, nous avons été forcés d’utiliser intensivement la vidéoconférence. Par conséquent, il est devenu acceptable de réaliser en ligne des fonctions qui, auparavant, se faisaient avant tout en présentiel. Je pense par exemple à la vente ou aux interviews d’embauche. Il m’apparaît clairement que de plus en plus d’entreprises suisses, petites et grandes, assignent ces fonctions à des travailleurs détachés qui résident par exemple dans des pays de l’est de l’Europe. Grâce aux visas Schengen, ces employés peuvent facilement passer une semaine par trimestre en Suisse et ainsi maintenir un contact fort avec leur employeur.
Il va sans dire que des organisations comme les Nations unies, constamment à la recherche de solutions propices à la croissance des pays en voie de développement, encouragent voire même facilitent cette délocalisation des fonctions de front office.
Décidément, il n’y a que la compétence élevée qui nous permettra de garder des emplois bien rémunérés en Suisse.