Au début de ce mois, l’Observatoire sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union européenne a publié son 19e rapport annuel, qui confirme qu’au cours des deux dernières décennies, le marché suisse du travail a connu de profonds changements structurels. L’emploi a évolué fortement dans les activités à forte valeur ajoutée, qui requièrent un niveau de qualification élevé. Pour les travailleurs indigènes, ces changements ont créé des possibilités d’ascension professionnelle que beaucoup ont réussi à saisir.
En parallèle, l’immigration en provenance de l’Union européenne a été essentielle pour répondre à notre demande de main-d’œuvre, qualifiée mais pas seulement. Pour de nombreuses professions, le recrutement à l’étranger a permis de compenser un besoin de remplacement lié à la démographie. Comme l’immigration sous le régime de la libre circulation se concentre essentiellement sur les personnes en âge de travailler, elle a sensiblement freiné le vieillissement de la population au cours de ces vingt dernières années.
L’ampleur du recours aux prestations d’assistance par les personnes immigrées sous le régime de l’accord de libre circulation est demeurée à un niveau inférieur à celui des Suisses
S’agissant des dépenses sociales, le rapport montre que les principales augmentations sont liées au vieillissement de la population et non à la libre circulation des personnes ou à l’immigration. C’est aussi ce que confirment, dans le détail, les résultats de l’analyse des données sur les prestations sociales présentés tout au long du rapport. Ils n’indiquent en effet aucun coût supplémentaire important engendré par la libre circulation qui contribuerait sensiblement à une augmentation générale des dépenses sociales.
Dans le domaine particulier de l’aide sociale, l’ampleur du recours aux prestations d’assistance par les personnes immigrées sous le régime de l’accord de libre circulation est demeurée à un niveau très bas au cours des dix dernières années, et même à un niveau inférieur à celui des Suisses: en 2021, 1,7% des personnes en âge d’exercer une activité lucrative immigrée sous le régime de l’accord ont perçu au moins une fois des prestations de l’aide sociale; parmi les Suisses, le taux était de 2,4%.
Si l’on examine le recours à l’aide sociale en fonction de la durée de séjour pour les personnes considérées, le même phénomène que pour la perception d’indemnités journalières de chômage apparaît: le risque augmente avec la durée de séjour, tout en restant à un niveau très faible, car l’aide sociale est le dernier filet de sécurité et n’intervient que lorsque les droits aux prestations en amont ont été épuisés. Le recours à l’aide sociale est ainsi extrêmement rare au début du séjour et, au bout de cinq ans après l’arrivée, il n’atteint pas le niveau des Suisses.
Il faut avoir ces éléments à l’esprit, alors qu’une initiative populaire «Pas de Suisse à 10 millions! (initiative pour la durabilité)» a été lancée par l’UDC, qui prévoit notamment qu’en vue d’assurer le respect de cette limite, le Conseil fédéral «s’efforce en outre de renégocier les accords internationaux qui favorisent la croissance démographique […] ou de négocier des clauses d’exception ou de sauvegarde […]»