Carmelo Laganà
Economiesuisse - Suppléant romand
20 octobre 2020, 11h38
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Vous appuyez sur le bouton de mise en marche. La machine réchauffe l’eau qui se trouve dans le bac au dos. Quelques instants après, et le témoin lumineux ne clignote plus. Vous introduisez une capsule et appuyez sur le bouton. Le café brûlant coule ainsi dans votre tasse, et vous vous apprêtez à lire cette chronique.
Cette machine est l’un de ces multiples exemples du savoir-faire suisse; plusieurs pièces sont produites dans notre pays dans des petites ou micro-entreprises qui font notre fierté.
Des entreprises qui doivent déjà faire face à la crise due au coronavirus, et qui feront partie des dommages collatéraux de la nouvelle initiative du Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA), si celle-ci est acceptée en votation populaire le 29 novembre prochain. Le GSsA n’en est pas à son premier coup d’essai pour rayer l’armée de la carte suisse: en 1989 et 2001, les initiatives pour abolir l’armée; en 2011 pour supprimer le service militaire obligatoire; en 1997 et 2009 pour interdire l’exportation de matériel de guerre. Toutes ces propositions ont été clairement rejetées par le peuple suisse.
Dénommée «Pour une interdiction du financement des producteurs de matériel de guerre», la nouvelle initiative du GSsA veut promouvoir la paix dans le monde et lutter contre le déplacement forcé des populations dans les zones de conflit; pour ce faire, elle introduit dans la Constitution fédérale une interdiction rigide de financement des entreprises que les initiants considèrent comme étant des producteurs de matériel de guerre. À savoir: au-dessus de 5% de son chiffre d’affaire annuel, les entreprises suisses d’armement ou une entreprise suisse qui fabriquent des pièces détachées ou des composants destinés à l’industrie de la défense serait considérées comme «criminelle» et soumise donc à une interdiction stricte d’être financée par des institutions telles que la BNS, les caisses de pension, les institutions de prévoyance sociale publique et privée ou les établissements bancaires. Or, on le sait, ces entreprises fabriquent aussi régulièrement des biens à double usage, utilisés dans les secteurs civil et militaire, ainsi que des biens industriels exclusivement civils.
Comme le relève le Conseil fédéral dans son rapport du 14 juin 2019, une interdiction de financement aurait donc également un impact sur la production de ces biens, puisque même les départements civils de ces entreprises auraient plus de difficultés à accéder au crédit.
Les objectifs de l’initiative – un monde plus sûr et plus pacifique – sont louables, et la Suisse s’engage déjà fortement, à bien des égards, pour y contribuer. Mais les moyens prévus par cette initiative sont peu adéquats.
Ce n’est pas en interdisant le financement d’entreprises en Suisse que la fabrication de matériel de guerre sur le plan mondial va hélas diminuer.
En revanche, une telle mesure extrême et rigide aurait des effets néfastes pour bon nombre de PME suisses, qui doivent déjà faire face à des défis importants en raison de l’épidémie de Covid-19. C’est pour cette raison, et bien d’autres, que le Conseil fédéral, la majorité du Parlement, les partis politiques (PDC, PLR, UDC et Vert’libéraux), les milieux économiques ainsi que des organismes comme l’Association suisse des aînés appellent à voter «non» à cette initiative radicale du GSsA, qui s’attaque non seulement aux grandes entreprises de l’armement, mais aussi aux PME qui fabriquent des pièces à double usage, comme celles pour votre machine à café.
* Suppléant romand Economiesuisse