Initié par Donald Trump, l’impôt mondial de 15% sur les multinationales a été avalisé au début de ce mois par 136 des 140 pays membres de l’OCDE. Pas peu fiers, les médias comme les politiques l’ont présenté comme une révolution. Un examen plus approfondi, tout comme l’acquiescement d’une Suisse d’habitude plutôt frileuse en matière d’innovation fiscale, permettent d’en douter.
De quoi s’agit-il? Le principe se veut simple: toute entreprise multinationale réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions de dollars se verra «condamnée» à payer au moins 15% d’impôt sur ses bénéfices dès 2023 quels que soient les pays dans lesquels elle opère et où elle a son siège.
Une part des surprofits (25% des bénéfices supérieurs à 10% du chiffre d’affaires) serait par ailleurs redistribuée aux pays dans lesquels le chiffre d’affaires aurait été réalisé. Enfin, des mesures transitoires ont été prévues pour les pays récalcitrants qui, tels la Hongrie ou l’Irlande, ont des taux d’imposition inférieurs à 15%. Ce qui mettrait fin de facto aux paradis fiscaux, devenus inutiles, redistribuerait une partie des profits aux pays «pauvres» et permettrait de récupérer entre 125 et 150 milliards de recettes fiscales par an selon les calculs.
Dans les faits, rien ne va changer: lors des dernières réformes fiscales cantonales (RFFA), les cantons avaient déjà fixé le taux d’imposition des multinationales autour des 15%.
Génial, dira-t-on. Surtout quand on voit que cette réforme n’a quasiment pas fait de vagues et qu’aucune de nos multinationales, et pas même notre chatouilleux ministre des Finances Ueli Maurer, n’ont semblé broncher. Ils auraient eu tort de faire la fine bouche en effet, tant la Suisse sort gagnante de cet arrangement.
Dans les faits, rien ne va changer: lors des dernières réformes fiscales cantonales (RFFA), les cantons avaient déjà fixé le taux d’imposition des multinationales autour des 15%. De plus, les entreprises extractives (soit la majorité des firmes de trading ayant leur siège en Suisse) et le secteur financier, qu’on sait extrêmement allergique à l’impôt, ont été sortis de l’accord. Enfin, cet accord a été rédigé de façon à favoriser éhontément les pays qui hébergent des sièges de multinationales, aux dépens des pays du tiers monde qui, tous ensemble, ne toucheront que 3% des recettes engendrées.
Les Etats-Unis, la Suisse et les pays européens en général sont donc largement gagnants (sachant que certains Etats, comme la France et l’Allemagne, taxent les bénéfices à 20% ou 30% et pourraient donc perdre des recettes fiscales à la marge).
Seules quelques entreprises comme Nestlé, Roche ou Novartis seraient concernées par la nouvelle donne. Mais on peut leur faire confiance. Elles sont passées maitre dans l’art de facturer au prix fort le goodwill et les brevets de façon à faire baisser leurs bénéfices.
En bref, pour la Suisse, cette réforme est en réalité une aubaine qui lui permettra de sortir sans coup férir de son statut déshonorant de paradis fiscal.