Selon l’ancien conseiller fédéral UDC Ueli Maurer: «(…) il y a eu une hystérie autour du Covid (…), on a dit que le Covid était mortel (…) et à partir de cette supposition, on a tendu un filet sanitaire comme on n’en avait jamais vu auparavant (…) Je suis convaincu que, ces prochaines années, nous nous occuperons de façon croissante des dommages causés par le vaccin (…). L’Etat ne peut pas être responsable de tout (…), il ne peut pas non plus protéger chacun de la mort.» Des thèses analogues ont été défendues à travers la mouvance populiste mondiale. Ainsi Donald Trump recommanda-t-il d’absorber de l’eau de Javel plutôt que de se vacciner.
Tout d’abord ces déclarations illustrent un point d’histoire: le Conseil fédéral fut loin d’être unanime dans la gestion de la pandémie. Mais ensuite, rien qu’en 2021, 5957 personnes sont décédées des suites du Covid-19, dont 3156 hommes (53%) et 2801 femmes (47%). Ce fait avéré devient une supposition dans les déclarations de l’ancien conseiller fédéral, qui entretiennent une certitude fantasmée dans une partie de l’opinion publique. Lors d’une prochaine épidémie, certains refuseront de se vacciner, au nom de leur liberté, par peur d’effets secondaires du vaccin. A la limite pour d’aucuns, ce n’est plus l’épidémie mais le vaccin qui tue.
Les populismes célèbrent les avantages de l’ignorance et soutiennent que la science est mauvaise en soi
Jacques Neirynck
Le déni de réalité pour contester l’action des pouvoirs publics est devenu une arme dans le débat politique. On en a d’autres exemples dans la contestation du réchauffement climatique ou la falsification du phénomène migratoire. La classique opposition entre droite et gauche cède devant un affrontement entre sachants et ignorantistes. Les populismes célèbrent les avantages de l’ignorance et soutiennent que la science est mauvaise en soi. La vaccination a beau avoir été inventée en 1796, a permis d’éradiquer définitivement la variole et a réduit l’impact de la polio, elle demeure incompréhensible et menaçante pour une couche de la population.
Or la politique est l’art de gérer la réalité, de promouvoir le possible, de rendre possible le souhaitable. Elle ne peut réussir en se conformant à des fantasmes ou des idéologies qui sont autant de réductions ou de falsifications du réel. Mais elle ne peut agir en démocratie qu’avec l’appui du peuple, ce qui suppose un certain degré de formation ou de maturité de celui-ci. A ce titre l’enseignement obligatoire est une ressource politique. Dans un monde de plus en plus technicisé, il est indispensable que tous comprennent les phénomènes naturels qui sont utilisés. Il faut absolument sortir de l’approche traditionnelle qui est animiste. Ce qui se passe n’est pas le résultat de volontés obscures, mais le déroulement implacable de lois de la nature.
Il faut aussi que certains partis cessent de miser sur l’ignorance des électeurs pour en recruter le plus grand nombre en flattant leurs préjugés. La possible réélection de Donald Trump est un signal d’alarme: dans la première démocratie du monde, le régime est menacé de dissolution par la régression mentale. Des émeutiers qui ont envahi le Capitole le 6 janvier 2021. La question pour la Suisse est dès lors: l’ancien conseiller fédéral est-il convaincu de ce qu’il propage ou le feint-il pour satisfaire des électeurs?