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Publicité

L’éthique publicitaire est l’affaire de tous

Michael Kamm
Michael Kamm
Michael Kamm
Agence Trio - CEO
03 novembre 2020, 12h29
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Souvent considérée comme le miroir de notre société, la publicité impacte nos comportements et nos modes de pensées. Bien que les mentalités aient fortement évolué ces derniers temps, les règles éthiques ne sont pas toujours appliquées, comme le souligne la Commission suisse pour la Loyauté (CSL). Quel que soit notre sentiment à l'égard de la publicité, elle ne peut nous laisser indifférent. Parce qu'elle est partout et habille notre vie quotidienne, hantant les esprits des commerciaux, peuplant l'imaginaire des consommateurs, supportant le développement des annonceurs, la publicité est devenue un véritable phénomène de société. Son pouvoir médiatique croissant et sa force de persuasion, l'ont dotée de rôles, fonctions et responsabilités auprès de la société comme à l'égard des individus.

Une vigilance de chaque instant

Bien que la réclame ait fait des progrès depuis le milieu des années 2000, les stéréotypes et les clichés ont la dent dure. La nudité fait partie des règles d’éthique les plus bafouées en publicité avec encore un trop grand nombre de femmes qui apparaissent dénudées de manière injustifiée. Même si la plupart des gens se disent imperméables à la publicité, les annonceurs comme les agences doivent veiller à ce que leurs contenus respectent les sensibilités qui progressent de plus en plus vite, à l’instar de la société. Par exemple, ce fut le cas de Migros Zurich qui a du faire preuve d’autocensure au printemps dernier en détruisant quelque 60.000 cabas en papier – où figuraient un chat et une femme nue – issus d’une commande à un collectif d’artistes.

L’auto-contrôle comme remède

Si l’affichage, la presse écrite, la radio ou la télévision restent plutôt de bons élèves s’agissant de publicité inclusive et diversifiée, les réseaux sociaux semblent à la traîne. La censure existe dans les médias de nouvelle génération, mais elle n’a malheureusement pas toute l’emprise nécessaire pour éviter les contenus douteux ou plus explicites. Les marques tentent alors, tant bien que mal, de damer le pion à cet effet en intégrant la notion de «Brand Safety» pour protéger leurs campagnes digitales de contextes préjudiciables à leur image.  Bien que la Suisse ne dispose pas d'une législation fédérale en matière d’éthique publicitaire, elle peut s’appuyer sur l’expertise de la Commission suisse pour la Loyauté (CSL) qui, depuis 1996, prend régulièrement des décisions pertinentes en ce sens. Cet organe d’auto-contrôle unique en son genre a enregistré un nombre record de 97 plaintes l’an dernier, dont la plupart d’entre elles concernaient la publicité en ligne. Certains détails maladroits, jumelés à un contexte particulier, peuvent rendre tout un contenu inopportun, voire carrément illégal.

Une créativité salvatrice

Ne peignons toutefois pas le diable sur la muraille, la prise de risque doit encore contribuer à la diversité du paysage de la communication commerciale. Ainsi, il n’est pas rare de constater que la créativité des publicitaires et les exigences des annonceurs contribuent à entamer des changements véritablement positifs. Citons le cas de l’Inde où les mentalités concernant la place des femmes dans la société sont plutôt conservatrices. Whisper (l’équivalent de Always) est pourtant parvenu à réaliser un sacré tour de force en rompant la culture du silence autour des règles féminines qui restent encore largement taboues. En effet, la fameuse marque de produits féminins avait réussi son pari d’éduquer – par le biais de ses publicités – plus de 15 millions de jeunes femmes à l’importance de la gestion de leur hygiène menstruelle. Que l'on soit publivore ou publiphobe, l’éthique dans la publicité est donc l’affaire de tous: annonceurs, agences, régies publicitaires et consommateurs. Au-delà des grands discours moralisateurs sur les méfaits des contenus rétrogrades, discriminants, sexistes ou attentatoires à l’environnement, nous avons au moins trouvé une bonne raison d’y mettre fin tout bonnement: cela ne fait plus vendre. * Fondateur de l'agence Trio