L’efficacité des sanctions économiques est un sujet récurrent, compte tenu de la persistance des conflits dans le monde. Je me concentre ici uniquement sur les effets économiques des sanctions, sans aborder leur justification politique. De par mon expérience, je constate que les sanctions ont de nombreux effets, mais rarement ceux escomptés par leurs initiateurs.
Tout d’abord, les sanctions sont souvent contournées. Par exemple, lorsque aux Etats-Unis, une tentative a été faite pour limiter les exportations textiles de la Chine, les hommes d’affaires chinois ont rapidement investi au Cambodge pour exporter à partir de ce pays.
Deuxièmement, les sanctions entraînent des distorsions de la concurrence, offrant des opportunités inéquitables à certains acteurs. Par exemple, suite aux sanctions contre la Russie en 2014 (que la Suisse n’a pas adoptées telles quelles), les fromagers suisses ont considérablement augmenté leur part de marché en Russie. En outre, Marc Rich a illégalement accumulé une fortune en contournant les sanctions américaines contre l’Iran, puis a dû se réfugier à Zoug et fonder Glencore. Plus récemment, certaines grandes sociétés genevoises ont dû abandonner le négoce du pétrole russe, ouvrant la voie à des opportunités pour des sociétés plus petites (et moins respectueuses de la durabilité) basées dans des pays ne suivant pas les sanctions.
Les sanctions stimulent de nouvelles initiatives dans les pays ciblés.
Philippe D. Monnier
Troisièmement, les sanctions stimulent de nouvelles initiatives dans les pays ciblés. Actuellement en Russie, l’incapacité d’importer ou d’exporter de nombreux produits encourage l’industrie locale à sortir de sa zone de confort, notamment en produisant localement ou en cherchant de nouveaux partenaires commerciaux, notamment en Chine et en Inde.
Quatrièmement, les sanctions affectent directement de nombreuses entreprises honnêtes, laborieuses et totalement apolitiques, par exemple des sociétés suisses avec des actionnaires minoritaires dans un pays sanctionné. De nombreux clients, fournisseurs, investisseurs et autres partenaires éviteront ces entreprises, parfois anticipant un durcissement des sanctions.
Parfois, cette dernière situation conduit à des dérives. J’ai notamment vécu des cas où plusieurs partenaires existants ou potentiels exigeaient une liste exhaustive des employés d’une société suisse ayant des liens historiques avec la Russie. La demande incluait non seulement les fonctions et les nationalités, mais aussi les origines ethniques (sic!). J’ai rapidement souligné l’illégalité et l’immoralité de telles exigences, en contradiction avec les codes éthiques de ces partenaires et leur noble principe de non-discrimination.