Les clés du succès de nos start-up technologiques sont principalement la qualité du management et la puissance de la technologie sous-jascente. Les réflexions qui suivent s’intéressent à l’entrepreneur qui est aux commandes. La formation des ingénieurs aux différents aspects de l’entrepreneuriat est devenu la norme. Toutes nos écoles offrent des formations permettant aux scientifiques de se familiariser avec les arcanes du management. Ils apprennent à créer leur boite.
Cet effort est tout à fait louable. Je contribue même avec plaisir à ce genre d’exercice. Je vois par contre de temps à autres les limites de ce système. Il est indéniable qu’un jeune qui a choisi une formation scientifique est « câblé » de manière différente de celui qui a choisi délibérément dès le départ de s’orienter vers la création de son entreprise, avec ou sans études supérieures. Ces différentes formations au management ou à l’entrepreneuriat donnent courage à l’étudiant scientifique pour passer à l’acte. Le voilà avec enthousiasme devant le notaire pour créer sa boite après avoir négocié avec son université le transfert de la technologie. Cela ne veut pas dire qu’il ait les dispositions naturelles pour mener à bien sa mission.Malheureusement la réalité est rude. Créer sa boîte peut sembler simple, mais les obstacles sont multiples. La première grande difficulté est d’être capable de «vendre» son idée à tous les ayants droits qui gravitent autour du projet: les employés existants et à venir, les clients, les investisseurs, l’université, les fournisseurs et bien d’autres. Vendre est un art très particulier. Il faut trouver le bon mélange de crédibilité, de culot, de confiance en soi, de confiance inspirée aux autres, de ténacité… Ce n’est pas donné à tout le monde. C’est peut être même un talent naturel qui est antinomique avec l’attirance naturelle du scientifique vers l’exactitude et l’honnêteté intellectuelle.
L’autre grande difficulté est de rendre une science, qui par définition est complexe, simple à expliquer. Les projets les plus simples en apparence sont ceux qui ont le plus de chances de réussir, quand bien même la technologie qui justifie leur existence est très complexe. Ecrire une lettre courte et concise est nettement plus compliqué que de s’épandre… Phénomène bien connu.
Que faire au vu de ces constats? Il faut évidemment continuer nos efforts de formation et d’incitation à la création d’entreprises. Je serais mal placé pour prêcher le contraire. Par contre dans le cadre de ces formations, il faut montrer aux entrepreneurs en devenir qu’ils ont tout à gagner dans l’alliance avec des gens dont les talents naturels correspondant aux besoins d’une jeune pousse. Certains entrepreneurs devraient réaliser qu’ils ne sont pas les meilleurs CEO pour leurs boîtes. ils peuvent en être un actionnaire significatif, sans être nécessairement aux commandes. Se concentrer sur ses savoir faire clés à titre personnel est une piste sûre. Un inventeur qui garde la responsabilité pour la R&D peut apporter davantage de valeur à la boîte que s’il en est le CEO.
L’inspiration de cet article m’est venue de boîtes de notre portefeuille qui se porteraient mieux si la direction était capable de formuler de manière concise la proposition de valeur et de la délivrer en conséquence. Ce n’est pas une question de science qui n’est pas au niveau. C’est une question de clarté dans la vision, dans sa communication et dans l’établissement des objectifs de l’entreprise. Une bonne combinaison entre un entrepreneur «dans l’âme» et le scientifique permettrait au processus de création d’être nettement plus efficient.
J’ai bien heureusement des contre-exemples éloquents. J’ai eu la chance il y a 12 ans de rencontrer Pedro Bados. Il venait alors de créer Nexthink et se posait plein de questions sur le leadership de sa boîte. Il en était l’actionnaire majoritaire mais hésitait à l’époque à en prendre la direction. Après quelques méandres dans ses réflexions, il en a pris les rennes et est maintenant à la tête d’un des fleurons du software en europe avec plus de 400 collaborateurs, 850 clients, 6 millions de PC connectés à son service et une croissance hors normes. Personne ne ferait cela mieux que lui. J’ai eu la chance de l’accompagner dans cette aventure.
Heureusement que l’entrepreneuriat n’est pas une science exacte.