Longtemps les observateurs ont estimé impensable la menace d’une guerre en Europe même si la Russie redevenait agressive. Nous ne voulions rien lui opposer que des sanctions économiques et cela n’a pas suffi. Car, la Russie aurait déjà mérité de telles sanctions, dès la conquête de la Crimée en 2014. On ne les a pas appliquées, et donc on a laissé entendre à la Russie que l’on ne désirait pas se brouiller avec elle pour défendre l’intégrité de l’Ukraine.
Vladimir Poutine vient d’en tirer la conclusion logique qu’il pouvait continuer face à un adversaire sans volonté. Emmanuel Macron ou Olaf Scholz ont eu beau énoncer des plaidoyers au président russe, isolés au bout d’une longue table, comme des vassaux face à un suzerain. Le président du Conseil Européen, l’aimable Charles Michel, ne fut même pas reçu en Russie, car il ne possède aucun pouvoir de l’inquiéter sérieusement.
En abandonnant l’Ukraine à son sort, l’Occident choisit le déshonneur de peur d’avoir la guerre. Il aura donc les deux
Jacques Neirynck
On peut comparer Poutine à un joueur de poker singulièrement doué, tandis que Biden croit qu’il joue au solitaire et les Européens à la belote. Poutine a subi d’une oreille distraite les présidents divers, qui croyaient modifier ses intentions en l’assommant de parlotes durant plusieurs heures. Ces représentants de l’Occident prétendaient sauver la paix par la diplomatie, quoique ce ne soit pas leur véritable mobile.
En réalité, le monde occidental ne veut absolument pas de la guerre. Pour espérer attendrir le tsar, il est allé jusqu’à en informer Vladimir Poutine, ravi d’entendre cette rengaine, qui l’assure de pouvoir agir sans risque. Le premier principe d’une diplomatie consciente serait de ne pas révéler ses résolutions les plus secrètes. Il fallait au moins laisser entendre que toutes les options étaient ouvertes. Au poker on n’étale pas ses cartes.
Les sanctions économiques n’y feront rien parce que la Russie s’y est préparée. Un pays prêt à déplacer ses frontières au prix de la vie de ses soldats y est indifférent. On n’achètera pas la paix avec la Russie en lui faisant perdre de l’argent. On la renforcera dans sa résolution irrédentiste, patriote, panrusse. Après avoir sondé la faiblesse de l’Otan, Vladimir Poutine émettra des revendications sur les pays baltes qui furent jadis des provinces soviétiques. Et ainsi de suite. En abandonnant l’Ukraine à son sort, l’Occident choisit le déshonneur de peur d’avoir la guerre. Il aura donc les deux.