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L’écocide, nouveau crime international?

Par Marie Owens Thomsen

Marie Owens Thomsen
Iata - Economiste en chef
08 juillet 2021, 16h15
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Réuni par la Fondation Stop Ecocide, un groupe de douze experts indépendants du monde entier a mené une réflexion portant sur la notion d’écocide. Au terme de ces travaux, ce panel de spécialistes du droit a rédigé la définition de ce qui pourrait devenir le cinquième crime international poursuivi devant la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye, aux côtés du génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et des crimes d’agression.

Ainsi, l’écocide désigne «des actes illégaux ou arbitraires commis en sachant qu’il existe une probabilité substantielle de dommages graves et étendus ou à long terme à l’environnement causés par ces actes». Avant qu’il ne soit criminalisé, l’un des 123 pays membres de la Cour devra formellement en demander l’examen. Mais ce n’est que la première étape d’un processus qui pourrait prendre des années. Toutefois, en cas d’adoption, l’écocide deviendrait le seul crime international qui n’exige pas un dommage direct à un individu comme condition préalable aux poursuites.

Un manque de jurisprudence

Plusieurs démarches ont cherché à promouvoir la reconnaissance de l’écocide, qui devait d’ailleurs figurer dans le Statut de Rome de 1998 qui a précédé la création de la CPI. En 1972, le Premier ministre suédois Olof Palme l’a défendu lors de la conférence environnementale des Nations Unies organisée à Stockholm. Plus récemment, le Pape François et le président français Emmanuel Macron ont œuvré à son inclusion dans le champ de compétences de la Cour. Mais face à ce volontarisme, il convient de relever que les Etats-Unis, la Russie et la Chine ne sont même pas membres de la CPI…

Pour se rendre compte du potentiel de la criminalisation de l’écocide, il suffit d’observer ce que la Cour n’a pas pu faire jusqu’ici. En juillet 2019 par exemple, lorsqu’elle condamne Bosco Ntaganda pour crimes contre l’humanité commis en République démocratique du Congo, les accusations de pillage des biens de l’ennemi n’impliquent pas l’exploitation illégale des ressources naturelles. Dans le même pays, la condamnation de Bemba pour crime de guerre de pillage en 2002-2003, portait uniquement sur des biens tels que fournitures, véhicules et bétail.

Ces exemples mettent en évidence le manque de jurisprudence permettant de lier crimes internationaux, ressources naturelles et pillage de ces dernières. Actuellement, si un crime environnemental grave peut être poursuivi en droit national, il ne l’est pas au niveau international. Toutes les initiatives qui permettraient de supprimer un tel angle mort juridique sont à saluer.