Récemment, la Suisse a connu son lot de débats, projets et votations concernant la fiscalité des entreprises, un sujet impénétrable sauf pour les initiés. En deux mots, dans le cadre de sa dernière réforme de l’imposition, la Suisse a été forcée d’abandonner certaines «distorsions» (en l’occurrence les cinq statuts fiscaux spéciaux) peu goûtées par la communauté internationale, en particulier l’Union européenne. Ce faisant, la Suisse a fait preuve de pragmatisme et a introduit simultanément dans sa législation des distorsions en vigueur dans l‘Union européenne: innovation box, super-déductibilité des frais de recherche, déduction d’intérêts notionnels, etc.
Mais pourquoi les exonérations fiscales - la mère de toutes les distorsions - ont été complètement absentes des débats lors de cette dernière réforme fiscale? Et pourquoi même le taux minimum de l’OCDE ne devrait avoir aucune incidence sur l’existence des exonérations fiscales en Suisse? La raison est simple : les pays étrangers ont également recours à ces exonérations et ils n'ont donc pas de légitimité pour attaquer la Suisse.
Qu’est-ce une exonération fiscale? Les lois fiscales fédérales et cantonales permettent à une entreprise de ne pas payer certains impôts clés pendant dix ans au plus, moyennant des conditions parfois élastiques. Ces exonérations peuvent être utilisées pour attirer des entreprises étrangères ainsi que pour fomenter le développement de sociétés endogènes.
En principe, les exonérations fiscales ne devraient pas générer de concurrence déloyale.
En cas d’exonération, les entreprises bénéficiaires et les politiciens conviés à couper des rubans inauguraux font partie des grands gagnants. On ne peut pas en dire autant des autres contribuables, en particulier des entreprises concurrentes. En principe, les exonérations fiscales ne devraient pas générer de concurrence déloyale mais cette dernière notion est inévitablement floue.
A mon sens, les services étatiques de promotion économique ne devraient pas attirer des entreprises étrangères (ou encourager le développement de sociétés endogènes) par le biais d’exonérations fiscales confidentielles mais ils devraient plutôt travailler d’arrache-pied pour bâtir des relations privilégiées avec les grands dirigeants d’entreprise de ce monde et leur expliquer les atouts de la Suisse. Faut-il pour autant bannir complètement ces exonérations? Sans doute pas, pour autant que ces avantages fiscaux restent exceptionnels et soient basés sur des considérations économiques - pour le bien de la Société - plutôt que sur des calculs politiques en faveur de quelques élus.