• Vanguard
  • Changenligne
  • FMP
  • Rent Swiss
  • Gaël Saillen
S'abonner
Publicité

Le mythe du vieillard indigent

La protection sociale s’est développée de manière spectaculaire en Suisse. Les personnes économiquement fragiles ne sont plus toujours celles que l’on pense. Par Brenda Duruz-McEvoy

Une vaste majorité des rentiers se porte économiquement bien. Pour les autres, les prestations complémentaires ciblées permettent de vivre dignement et à l’abri du besoin.
KEYSTONE
Une vaste majorité des rentiers se porte économiquement bien. Pour les autres, les prestations complémentaires ciblées permettent de vivre dignement et à l’abri du besoin.
Brenda Duruz-McEvoy
Centre patronal - Responsable politique sociale
14 avril 2023, 14h00
Partager

Il faut relire de temps à autre du Zola ou du Dickens pour se plonger dans le temps où l’insécurité économique rendait les enfants, les femmes et les personnes âgées particulièrement vulnérables. Avec l’avènement de la social-démocratie, la protection sociale s’est développée de manière spectaculaire, et les personnes économiquement fragiles ne sont plus toujours celles que l’on pense.

Les personnes âgées doivent ainsi être ôtées de la liste. En effet, pour les personnes ayant atteint l’âge de la retraite, il existe un revenu de base quasi inconditionnel. Les bénéficiaires du premier pilier AVS/AI domiciliés en Suisse ont un droit actionnable à des prestations complémentaires pour la couverture de leurs besoins vitaux dès lors que leurs dépenses reconnues dépassent leurs revenus et que leur fortune est inférieure à 100.000 francs.

La situation économique favorable des retraités est l’illustration du succès de notre excellent système des trois piliers

Brenda Duruz-McEvoy

Pourtant, ce n’est qu’une faible proportion des personnes âgées qui a recours à ce supplément de prestations et cette part reste stable autour de 12,5%, même si toutes les personnes potentiellement bénéficiaires ne demandent pas les prestations. N’en déplaise à Pro Senectute, ce faible pourcentage s’explique facilement par la situation économique majoritairement favorable des retraités. Ce constat démontre le succès éclatant de notre excellent système des trois piliers. Les rentiers sont non seulement protégés efficacement contre l’indigence, ils sont même considérablement plus fortunés que les actifs.

En effet, selon une analyse récente (sur la base de données WiSiER de l’OFAS), la fortune nette médiane des ménages comprenant au moins une personne retraitée est de 222.700 francs. Ainsi, la moitié des ménages dispose d’une fortune plus élevée et l’autre moitié d’une fortune moindre. Pour les ménages formés de personnes actives, la fortune médiane est six fois (6x!) plus petite, soit 36.200 francs. De plus, même à la retraite, l’épargne médiane continue à augmenter avec l’âge. Les rentiers d’aujourd’hui ont eu l’opportunité de constituer un pécule pour la retraite grâce aux fruits de leur travail, mais aussi parce que les aînés d’alors étaient moins nombreux et plus frugaux: les cotisations AVS étaient plus faibles et la LAMal n’existait pas, elle qui oblige les jeunes adultes à porter des coûts exorbitants au regard de leur risque.

Une vaste majorité des rentiers se porte donc économiquement bien. Pour les autres, les prestations complémentaires ciblées permettent de vivre dignement et à l’abri du besoin. On ne peut pas en dire autant de la population active sur qui repose pourtant en grande partie le financement de l’Etat social, du système de santé et de l’éducation des enfants. Dans ce contexte, les idées d’indexation totale des rentes ou, pis encore, l’introduction d’une 13e rente AVS sont tout simplement aberrantes. L’augmentation nécessaire du financement reviendrait à favoriser encore les aînés aux dépens des familles. En d’autres termes, cela aggraverait la redistribution existante des pauvres vers les riches.