En Suisse, l’écologie reste la responsabilité de deux partis minoritaires, uniques dépositaires de la seule révolution politique du siècle passé. On pourrait regretter qu’ils ne fusionnent pas pour prendre part au pouvoir exécutif, mais on constate tout de suite que ce n’est pas possible. Car il y a écologie et écologie.
La Suisse a doublé le mouvement initial de contestation antisystème, romantique, idéaliste par un autre centré sur une approche gestionnaire, réaliste, classique. L’écologie des Verts a toutes les allures d’une religion visant une réforme des mentalités. Elle est à la politique ce que les mystiques sont aux Eglises, un nœud de contradiction: on peut y être à la fois contre le nucléaire et cependant contre les éoliennes parce qu’elles abîment le paysage, parce qu’elles menacent les oiseaux.
On peut s’enfermer dans le refus tous azimuts de la société industrielle. Il y a donc un assortiment d’engagements: la biodiversité, le véganisme, l’appui aux LGTB, le féminisme, les revendications sociales, l’antinucléaire, les médecines naturelles, le refus de l’élevage de masse.
Or, le défi climatique est de plus en plus urgent et exige des actions concrètes, acceptables par le système politique suisse tellement traditionnel, consensuel et lent. Il faut arrêter les canicules, la sécheresse, les inondations, la fonte des glaciers. Maintenant, pas en 2050.
Le besoin de mesures concrètes pour diminuer l’empreinte carbone signifie des bouleversements dans l’économie, les institutions, les administrations. Les pompes à essence, les distributeurs de mazout, des compagnies d’aviation, les piscines privées vont se raréfier et peut-être disparaître. L’importation de fruits et de légumes d’autres continents sera bannie.
Si l’on ne veut pas courir au-devant d’une révolution populaire, il faut réapprendre aux citoyens les vertus de la sobriété
Jacques Neirynck
En sens inverse, il faudra former des artisans qualifiés pour installer des cellules photovoltaïques, des pompes à chaleur, l’isolation des immeubles. Les communes apprendront à éteindre l’éclairage public et à imposer la même discipline aux vitrines des magasins.
Cependant simultanément, si l’on ne veut pas courir au-devant d’une révolution populaire, il faut réapprendre aux citoyens les vertus de la sobriété, le respect intransigeant de la de la planète, la stabilité économique plutôt que la croissance.
Il existe donc un double défi: la révolution des mentalités par les Verts et la réforme du politique par les Vert’libéraux. L’existence de deux partis spécialisés dans la protection de l’environnement plaide pour la qualité de nos institutions et la maturité du corps électoral, capables de sécréter spontanément les réponses à des défis variés et en partie contradictoires: faire rêver et gérer ce rêve, quitter le monde actuel tout en inventant un autre.
Dans la mesure où ces deux partis accéderont à l’exécutif fédéral, ils pourront «en même temps» diminuer l’empreinte carbone de la Suisse qui stagne pour l’instant, démontrer que la croissance actuelle n’est pas la seule voie possible et finalement prouver que l’écologie, à la fois branche de la Science et inspiration politique, n’est pas un mythe, un leurre, une fiction romanesque.