L’histoire était presque déjà écrite: mort en 2021, l’accord-cadre avec l’Union européenne (UE) devait renaître de ses cendres d’une façon ou d’une autre, tel un phénix. C’était logique en raison du destin commun qui unit la Suisse et l’Union européenne.
La Suisse est le quatrième partenaire commercial de l’UE pour les marchandises après les Etats-Unis, la Chine et le Royaume-Uni. Dans le domaine des services et des investissements, elle est le troisième. Du point de vue de la Suisse, l’UE est le premier partenaire commercial: on parle d’un échange global de marchandises d’une valeur de pas moins d’un milliard de francs par jour, ce qui représente la moitié des exportations suisses et deux tiers de nos importations. Ceci alors que notre pays réalise un franc sur deux à l’étranger.
En plus de ce contexte général, d’autres enjeux précis sont au centre des préoccupations de l’économie: électricité, technologies médicales, services financiers, transport ferroviaire, recherche, mobilité estudiantine… Entre l’intransigeance de Bruxelles dans plusieurs dossiers et des accords vieillissant sans possibilité de mise à jour, c’est tout l’édifice de la prospérité qui se lézarde. Autant de pression sur les deux gouvernements, enfin surtout le nôtre, pour trouver des solutions. Du côté de l’UE, la question institutionnelle et la résolution des litiges sont sur la table depuis 15 ans. La renaissance de l’accord-cadre, «Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom», était donc inévitable. «Il est de retour. L’accord-cadre est de retour!», pourrait crier Ignazio Potter.
Les syndicats ont vu le Sinistros au fond de leur tasse et se sentent donc légitimés à agir même si les contours d’un nouvel accord commencent à peine à être flous
Baptiste Müller
Mais c’était sans compter sur les syndicats, emmenés par l’USS et son chef Pierre-Yves Maillard, qui pratiquent l’art divinatoire en ouvrant les feux contre un nouveau paquet d’accords avant que le Conseil fédéral ait même commencé à négocier. Les syndicats ont vu le Sinistros au fond de leur tasse et se sentent donc légitimés à agir même si les contours d’un nouvel accord commencent à peine à être flous.
Adepte du «compromis dynamique» vaudois, Pierre-Yves Maillard demande «un paquet de mesures intérieures juridiquement lié à un accord avec l’UE». Avant même d’avoir goûté le dessert, on sait déjà qu’il faut le sucrer davantage. En procédant de la sorte, le risque de faire dérailler le projet avant même qu’il soit parti de la voie 9¾ est élevé. Rappelons-nous qu’il y a trois ans, presque chacun y avait été de sa petite insatisfaction au sujet de l’accord-cadre et le Conseil fédéral avait fini par tirer la prise.
La Suisse a besoin d’une nouvelle étape d’accords avec son principal partenaire commercial. A moyen terme, sa prospérité est en jeu. Les partenaires sociaux ont l’habitude de la négociation et du compromis, qu’ils continuent dans cette voie plutôt qu’à jouer à se faire peur. Alors formons ensemble l’ordre du phénix plutôt que de le tuer dans son œuf.