• Vanguard
  • Changenligne
  • FMP
  • Rent Swiss
  • Gaël Saillen
S'abonner
Publicité

Le désenchantement de la liberté

INFUSION DE LIBERTÉ. La démocratie libérale est pourtant le cadre le plus propice pour l’épanouissement du génie humain et à la coopération nécessaire pour résoudre les défis mondiaux. Par Diego Taboada

"Les réponses aux enjeux du XXIe siècle, du réchauffement climatique à l’intelligence artificielle ne pourront qu’émerger dans une démocratie libérale."
Keystone
"Les réponses aux enjeux du XXIe siècle, du réchauffement climatique à l’intelligence artificielle ne pourront qu’émerger dans une démocratie libérale."
Diego Taboada
Liber-thé - Cofondateur
07 décembre 2021, 18h08
Partager

La liberté ne semble plus être une priorité dans notre société. Nous vivons une période de méfiance et de remise en question profonde des valeurs de liberté, d’ouverture et de progrès sur lesquelles se sont construites nos sociétés libérales.

De plus en plus de personnes se disent séduites par des modèles de société alternatifs, à la chinoise ou à la turque, avec des leaders forts qui ne s’embarrassent ni du droit, ni des tracasseries parlementaires. Dans les démocraties européennes, les partis illibéraux –de gauche comme de droite–, sont aux portes du pouvoir.

Pensons au Rassemblement national de Marine Le Pen en France. Certains les ont carrément franchies, comme Podemos en Espagne et, bien sûr, l’épisode trumpiste de la Maison Blanche. En Suisse aussi, les résultats des votations des dernières années ont montré un rejet des principes d’une société d’individus libres et autonomes, de l’immigration au libre-échange.

Cette évolution est paradoxale. La chute du mur de Berlin n'avait-elle pas consacré l’hégémonie du récit libéral, sorti vainqueur du combat contre l’idéologie collectiviste? Comment expliquer ce désenchantement de la liberté?

Trois crises et un désenchantement

Dans son livre «Le libéralisme blessé», José Maria Lassalle prétend que, si le libéralisme est victime de tant de scepticisme dans nos sociétés actuelles, c’est parce qu’il n’est plus perçu comme capable d’apporter des réponses aux situations particulièrement complexes. Selon lui, trois crises ont précipité cette perte de confiance dans le récit libéral.

Travailler pour la liberté a-t-il déjà été facile?

Diego Taboada

Tout d’abord, les attentats contre les tours jumelles de New York à l’orée du siècle ont fait tomber l’illusion de sécurité que devait garantir l’ordre international libéral, basé sur la coopération et l’interdépendance entre nations. Les mesures sécuritaires prises au nom de la lutte contre «l’ennemi terroriste» ont ensuite empiété sur les libertés individuelles et ont remplacé l’idéal d’ouverture et d’échange entre nations par une logique d’affrontement entre les communautés.

Ensuite, la crise économique de 2008 a menacé la prospérité que l’on croyait acquise. Le système libéral semblait incapable de tenir sa promesse de croissance et de confort économique pour le plus grand nombre. Les citoyens, déçus, se sont alors tournés vers des mouvements populistes et anti-systèmes, de droite comme de gauche, mettant en cause les fondements des démocraties libérales.

Enfin, la crise du coronavirus aura terminé de condamner le récit libéral en arrachant le dernier bien que l’on nous garantissait encore: la santé. Nos sociétés avaient oublié ce qu’était une épidémie et n’avait plus été confronté à la mort de si proche.

Face à l’urgence, les modèles autoritaires, chinois par exemple, furent encensés et presque regrettés sous nos latitudes. La défense des droits individuels a souvent été considérée comme désuète et inadaptée, car la «communauté» devait primer sur les individus.

José Maria Lassalle considère en outre que les crises mettant à mal le récit libéral ont également causé une lassitude des individus, fatigués de l’expérience de citoyen libre et nostalgiques d’un temps où on décidait pour nous. Face à l’incapacité des démocraties libérales à faire face à la complexité, pourquoi ne pas simplement s’en remettre à l’Etat?

Les atouts de la démocratie libérale

Face à ce constat, comment réhabiliter l’idéal de liberté? D’une part, en montrant que les réponses aux enjeux du XXIe siècle, du réchauffement climatique à l’intelligence artificielle ne pourront qu’émerger dans une démocratie libérale, car elle est le cadre le plus propice pour l’épanouissement du génie humain et à la coopération nécessaire pour résoudre ces défis mondiaux.

D’autre part, les démocraties doivent renouer avec leurs valeurs libérales. Trop souvent caricaturé et réduit à un dogme économique, le libéralisme s’intéresse pourtant aux individus en tant que citoyens, et non seulement en tant que consommateurs.

La défense des libertés et droits individuels face aux autoritaires et collectivistes de tout poil doit guider les démocraties libérales. Par exemple, les mesures restreignant les libertés d’aller et venir ou autorisant l’Etat à s’immiscer dans la sphère privée au nom de la sécurité ou de la santé ne devraient plus être acceptées.

Aussi, agir pour les libertés signifie s’engager pour protéger l’autonomie des individus et garantir leur capacité de faire des choix contre toute tentative d’ingérence. Qu’elle provienne d’un Etat qui utilise la loi pour contraindre les individus, ou des géants du numérique orientant nos comportements grâce à l’intelligence artificielle. Défendre la liberté est un grand défi pour les amoureux de la liberté. Mais travailler pour la liberté a-t-il déjà été facile?