Il ne se passe quasiment pas une semaine sans que soient déposés des objets parlementaires proposant l’octroi de nouveaux congés aux travailleurs, afin de tenir compte de tous les aspects de leur vie personnelle.
On pourrait donc quasiment chaque semaine rédiger le même article rappelant que l’intervention du législateur sur ces questions devrait être réduite au strict nécessaire; que le partenariat social, la liberté contractuelle et la responsabilité individuelle s’opposent à une intrusion étatique toujours plus intense dans les rapports de travail.
Le dernier objet en date est une motion de la commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (23.3964), qui vise la prolongation du congé maternité (et, égalité oblige, du congé paternité) en cas de grossesse multiple.
En dehors du fait qu’il s’agit d’une recommandation de l’Organisation internationale du travail, les arguments à l’appui de ce nouveau droit paraissent plutôt légers. En résumé, les grossesses et les accouchements multiples sont «souvent plus difficiles», les naissances «presque toujours prématurées» et le travail est «démultiplié à la naissance». La commission prétend donc, avec la prolongation du congé maternité, «réparer le préjudice que subissent les femmes qui vivent des grossesses multiples».
On en arrive ainsi à un stade où l’absence de droits plus étendus est carrément qualifiée de «préjudice». Les bonnes intentions font apparemment oublier le sens des mots.
En multipliant les droits de certaines catégories de travailleurs on finit par créer des inégalités à l’égard de ceux dont la situation personnelle n’a pas – encore – ému les parlementaires.
Sophie Paschoud
Les grossesses difficiles ne sont pas l’apanage des femmes qui attendent plusieurs enfants et ne sont d’ailleurs, pour ces dernières, pas inéluctables. Quoi qu’il en soit, dans de telles situations, les futures mères sont en incapacité de travail et rémunérées à ce titre. On ne voit pas en quoi cela nécessiterait un congé plus étendu, a fortiori au seul bénéfice d’une catégorie de femmes.
Selon le droit actuel, en cas d’hospitalisation du nouveau-né immédiatement après sa naissance pour au moins deux semaines, ce qui est souvent le cas des prématurés, le congé maternité est prolongé. Là encore, on ne voit donc pas en quoi le fait que les grossesses multiples entraînent statistiquement davantage de naissances prématurées justifierait un congé spécial.
Reste l’argument du «travail démultiplié», qui laisse pantois. C’est une évidence que d’avoir plusieurs enfants donne davantage de travail que d’en avoir un ou point. Et il n’est d’ailleurs pas certain que des jumeaux soient plus compliqués à gérer qu’un bébé et un aîné de deux ans qui court dans tous les sens et requiert d’autant plus d’attention qu’il ne comprend pas pourquoi un «intrus» lui vole la vedette. En tout état de cause, il s’agit là de questions organisationnelles qui relèvent de la stricte vie privée et de la responsabilité individuelle.
A cela s’ajoute qu’en multipliant les droits de certaines catégories de travailleurs on finit par créer des inégalités à l’égard de ceux dont la situation personnelle, potentiellement tout aussi difficile, digne d’éloges ou méritoire, n’a pas – encore – ému les parlementaires.