Simon Johnson, Daron Acemoğlu
Power of Progress
Hodder & Stoughton
560 pages – 33,50 francs
Le progrès est indissociable d’une donnée permanente au fil de l’Histoire: la technologie. Y avoir accès, s’y fier, investir en sa faveur ne sont pas des variables anecdotiques, mais des choix politiques, aux conséquences profondes et durables. Or Simon Johnson (FMI, Fed) et Daron Acemoğlu (MIT) n’ont pas sur le sujet des positions enthousiastes. Passant au crible les grandes étapes d’un millénaire d’histoire socio-économique occidentale, ils se montrent critiques quant à la constante confiscation du progrès par une minorité. Et la voir glisser des gouvernants aux géants du numérique ne leur dit rien qui vaille… Ils pensent cependant les clés d’un rééquilibrage à portée de main, et ne désespèrent pas d’un sursaut (politique, citoyen) pour inverser la tendance: la sévérité de leur regard conforte paradoxalement cette perspective.

Seth Godin
The Song of Significance
Penguin
208 pages – 28,90 francs
Seth Godin, qui vendit naguère sa start-up à Yahoo pour 30 millions, est un peu le poil à gratter des gourous de la tech et ses théories, souvent habiles, peuvent aussi prendre les tendances radicales à revers… Est-ce par pur humanisme que The Song of Significance (on dirait un titre de Bob Dylan!) dénonce les contresens qui dégradent le monde actuel du travail? Peut-être pas. Mais son tableau d’un système qui surréagit aux changements de mentalités – induits par le télétravail et les priorités personnelles – en verticalisant à tout va est lucide. Et, partant, le réalisme des positions plus souples, ouvertes et coopératives qu’il suggère aussi. Le désengagement des personnels, dit-il en substance, n’est pas une option, à chaque leader d’oser des moyens neufs pour réenchanter le travail et lui donner du sens!

Tim Smedley
The Last Drop. Solving the Water Crisis
Picador
416 pages – 29,90 francs
On ne trouve pas souvent d’écolos dans les pages du Financial Time, mais le journaliste Tim Smedley y a ses entrées, et à lire The Last Drop on comprend bien pourquoi. Le tableau qu’il brosse de l’état du monde en matière d’eau est à la fois documenté, passionnant et effrayant. Il parvient à englober aussi bien les problèmes humains et environnementaux que les aspects économiques et sociaux de la crise. Drame géologique, macroéconomie et défi de civilisation ne font qu’un dans son bilan. Et pour cause: tout se tient étroitement, dans une logique implacable que nous commençons cependant à peine à saisir. Smedley n’est pourtant pas un fan d’apocalypse, l’ampleur de son analyse n’a d’égale que sa conviction qu’un revirement est possible et serait décisif. Mais vite et à absolument tous les niveaux de prise de conscience et d’action…

Ekaterina Pravilova
The Ruble. A Political History
Oxford University Press
576 pages – 53,50 francs
Maître de conférences à Princeton, Ekaterina Pravilova s’est intéressée à l’histoire du rouble en tant qu’outil de changement, de pression ou de développement. Depuis sa création en 1721, le rouble a été l’unité monétaire commune aux tsars, aux soviets et à la Fédération de Russie, mais sa crédibilité s’est brusquement fissurée en 1917 avec la fameuse crise des emprunts. Non convertible, basé sur une valeur opaque, il a traversé nombre de bouleversements, sans qu’aucune reprise en main étatique ne soit parvenue à le réhabiliter. En cause, explique la chercheuse, le rôle davantage interne, politique et oligarchique que proprement financier des diverses réformes, déconnectées des réalités économiques russes ou internationales. Actuellement très secoué, le cours du rouble désigne ainsi les faiblesses de son support politique, validant inopinément les thèses de l’ouvrage.
