Du début à la fin, l’affaire Navalny n’aura été qu’une bouffonnerie, dont les sanctions européennes constituent sans conteste le sommet.
Faire d’Alexei Navalny une icône de l’opposition russe comparable à Nelson Mandela tiendrait de la farce si cela ne trahissait pas une profonde méconnaissance du personnage et de la Russie.
Navalny est tout sauf un Mandela: c’est un polémiste et un provocateur doué, un mélange local d’Eric Zemmour et de Cyril Hanouna, qui décoche des flèches contre le pouvoir en place avec un art consommé de la mise en scène et qui, de ce fait, s’est constitué une audience appréciable.
En Occident surtout.
Car en Russie même, on le regarde avec beaucoup plus de circonspection. Quelques milliers de fans l’adulent, quelques millions de spectateurs apprécient ses piques. Mais de là à ce que les Russes se mettent à suivre ses slogans et à voter pour lui en masse, il y a un pas qu’ils ne franchiront pas. Et même s’ils en avaient envie, la faillite de l’Ukraine, présidée depuis deux ans par l’ex-comique Zelenski, est là pour les en dissuader.
Bouffonnerie de l’empoisonnement ensuite. Pendant l’affaire Skripal en 2018, la presse européenne n’a pas cessé de nous décrire l’horreur du novichok, ce poison si mortel et si dangereux que seuls les tueurs expérimentés des services secrets russes pouvaient le manipuler. Résultat : les Skripal ne sont pas morts et Navalny non plus. Curieux, ce poison mortel qui ménage ses cibles!
Dans l’affaire Skripal, nous avons eu droit à deux versions contradictoires de l’empoisonnement. Dans celle de Navalny, son entourage nous en a donné trois: d’abord, il s’agissait d’un verre de thé à l’aéroport. Puis il a proclamé qu’une petite troupe de fidèles avait réussi à s’emparer de la bouteille d’eau minérale empoisonnée dans sa chambre d’hôtel, au nez et à la barbe des agents du FSB qui tambourinaient à la porte. Et enfin, c’était un slip badigeonné au novichok. Trois thèses différentes et une victime qui pète le feu...
Dernière bouffonnerie: les sanctions de l’Union européenne, prises grâce à un copié-collé de la législation américaine (le Magnitsky Act), après une visite ratée de Josep Borell à Moscou. Le ministre des affaires étrangères européen voulait rendre visite à Navalny dans sa prison et exigeait sa libération. On se pince!
L’Europe, qui n’a pas bougé un cil quand l’Arabie saoudite a découpé en morceaux le journaliste Jamal Kashoggi dans son consulat d’Ankara; qui n’a jamais protesté contre le sort réservé à Julian Assange qui croupit depuis deux ans dans une prison britannique dans des conditions atroces dûment documentées par un rapport de l’expert suisse Nils Melzer; qui n’a jamais daigné visiter la prison de Guantanamo reconnue comme un scandale avéré en matière de droits de l’Homme, cette Europe prend des sanctions contre son plus proche voisin parce qu’il refuse d’obéir à ses foucades.
De la Russie ou de cette Europe-là, je ne sais laquelle est le plus à plaindre...