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La pénombre des financières et l'impossibilité de désigner des coupables

On est curieux d’apprendre si la débâcle de Credit Suisse donnera lieu à un procès quelconque. Par Jacques Neirynck

«Ce qui vaut pour les administrateurs – inaptes – de Credit Suisse vaut a fortiori pour les conseillers fédéraux et les dirigeants de la BNS ou de la Finma.»
KEYSTONE
«Ce qui vaut pour les administrateurs – inaptes – de Credit Suisse vaut a fortiori pour les conseillers fédéraux et les dirigeants de la BNS ou de la Finma.»
Jacques Neirynck
Ancien conseiller national
27 mars 2023, 16h00
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Le rachat de Credit Suisse fait partie de ces événements financiers qui échappent à la sagacité du citoyen ordinaire; il a eu lieu dans la précipitation sans l’avis des actionnaires et malgré les assurances que la banque était bien capitalisée. Tout a tourné autour du concept de «confiance», qui est indéfinissable, incontrôlable et invérifiable. Même la Banque nationale (BNS) ne put le restaurer en injectant la somme de 50 milliards de francs. La Confédération, l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma) et la BNS, qui n’ont rien prévu et rien pallié, se sont toutes trois révélées inefficaces A quoi servent-elles donc?

UBS recueille les bénéfices de cette incurie en achetant pour 3 milliards une entreprise qui en valait beaucoup plus en période de confiance, tandis que les actionnaires, les clients et les collaborateurs de Credit Suisse sont lésés. L’appui donné par la Confédération constitue un risque supplémentaire de 9 milliards de francs pour les contribuables.

Comme toute banque Credit Suisse était muni d’un conseil d’administration, censé surveiller la gestion de l’entreprise

Jacques Neirynck

D’une part, les rétributions ordinaires des dirigeants de banque se montent à plusieurs millions par an, même pour les exercices qui subissent une perte. D’autre part, le travailleur ordinaire subit des prélèvements obligatoires qui le réduisent à la portion congrue. Dans la vie telle qu’elle est, les banquiers sont comblés de biens, parce qu’ils gèrent les biens des autres sous le prétexte qu’ils y seraient plus compétents.

Comme toute banque Credit Suisse était muni d’un conseil d’administration, censé surveiller la gestion de l’entreprise. Avant même la Confédération, la Finma et la BNS, il aurait dû réagir. Il n’en a rien été, comme s’il n’existait pas. Il faut donc en conclure que les administrateurs étaient inaptes. Comment ont-ils été promus à leur fonction? Autre mystère. Il existe une catégorie d’administrateurs qui cumulent les mandats pour des raisons ténébreuses, en particulier parce que cela rassure d’en amasser le plus possible. Si on allait voir de plus près, on découvrirait sans doute que certains n’ont d’autre qualification que leurs naissances, leurs fortunes ou leurs relations.

Ce qui vaut pour les administrateurs de Credit Suisse vaut a fortiori pour les conseillers fédéraux et les dirigeants de la BNS ou de la Finma. Lorsqu’un pont s’effondre, des ingénieurs sont mis en cause. Qui est rémunéré pour sa compétence supposée et garantie par un diplôme doit assumer ses responsabilités. On est curieux d’apprendre si la débâcle de Credit Suisse donnera lieu à un procès quelconque.

Dans nos pays voisins, les ministres servent de fusibles et démissionnent si une catastrophe se produit dans leur dicastère. En Suisse, cela est inimaginable parce que le pouvoir n’appartient à personne. Nous vivons en acratie, en dissolution du pouvoir en tant de fragments qu’il est impossible de désigner un coupable nommément. Ce système est idéal pour gérer la routine, mais il défaille lorsqu’un défi important surgit. L’incompétence des titulaires constitue leur principale excuse: ne se réclamant d’aucune aptitude, ils sont innocents par définition. Après Swissair et UBS, la défaillance de Credit Suisse dévoile notre acratie: elle a tant d’avantages que le bricolage du rachat qui pallie ses manques suffit à nous rassurer.