• Vanguard
  • Changenligne
  • FMP
  • Rent Swiss
  • Gaël Saillen
S'abonner
Publicité

La pandémie est d’abord politique

La crise épidémique continue et n’est pas prête de s’arrêter en dépit des promesses annoncées par les vaccins. Par Guy Mettan

Guy Mettan
Chroniqueur, journaliste indépendant
11 février 2021, 14h00
Partager

Il y a fort à parier que les vaccins, à cause des innombrables mutations du virus, ne constitueront qu’une réponse parmi d’autres aux défis posés par le Covid-19.

Cette installation de la pandémie dans le temps long de nos vies est sans cesse invoquée par les responsables politiques et scientifiques pour éviter toute discussion sur sa gestion. Ce n’est jamais le bon moment de se demander si notre stratégie a été, et est encore, la bonne.

C’est une erreur majeure. Nombre de pays, en Asie notamment, n’ont-ils pas réussi à juguler la pandémie sans dommages importants, ni sur le plan sanitaire, ni sur le plan économique, et cela quel que soit leur régime politique? S’ils réussissent là où nous échouons, c’est que nous avons un problème. Un gros problème.

Contrairement à ce qu’on a pu dire, notre difficulté ne vient pas tellement de notre soumission au principe de précaution (la santé physique d’abord, la santé psychique et la santé économique ensuite), car l’Asie l’a appliqué avec autant de rigueur que nous. A mes yeux, il vient d’abord du statut et de la place que nous avons accordés à la science et à la parole des scientifiques dans la gestion de la crise. Comprenons-nous bien: il ne s’agit pas de dire que la science ne sert à rien, que les experts sont vendus aux laboratoires privés, etc. Il est évident que la science nous a aidés et continuera à nous aider. Son rôle est vital.

Le problème est ailleurs. Il vient du fait que nous n’avons pas compris qu’une épidémie, avant d’être un problème scientifique soluble par des scientifiques, est d’abord un phénomène politique. Ce n’est pas une maladie qui frappe des individus au hasard, comme la mucoviscidose ou le cancer, et qui doit être traitée avec les moyens les plus sophistiqués de la science. C’est une maladie de société qui frappe en masse et qui doit être gérée de façon collective, en mobilisant tous les éléments de la société. 

Le traitement de la crise ne repose pas seulement sur des épidémiologistes et des universitaires membres d’une task force, aussi géniaux soient-ils.

Par un effet humain logique, celle-ci finit par devenir omnipotente. Et par un atavisme professionnel bien compréhensible, elle se borne à préconiser des remèdes purement médicaux à un problème qui est avant tout politique. 

Si l’Asie a réussi, c’est parce qu’elle a géré la crise de façon politique avec l’aide des scientifiques et non pas de façon scientifique avec l’aide des politiques comme chez nous. Nous avons par exemple exclu d’emblée l’apport des médecins de ville, des cliniciens et des pharmaciens, confrontés aux malades, pour n’écouter que des épidémiologues et des statisticiens, compétents certes, mais coupés du réel. Pourquoi se priver de leur expérience? 

Et nous n’avons pas compris que le temps de la science, qui est un temps long, n’est pas le même que celui du politique, qui est l’urgence. D’où la cacophonie des avis contradictoires des experts, normale et nécessaire en science, mais déstabilisante en cas d’urgence politique. Nous avons résolu le problème en jugulant les libertés publiques sous prétexte d’urgence sanitaire, en niant les divergences et en faisant taire les prétendus complotistes. Pas sûr que cela ne nous revienne pas à la figure après la crise. 

Enfin, trop confiants dans notre toute-puissance scientifique, ou par manque de courage politique, nous avons négligé d’apprendre des autres, des pays qui avaient une longue expérience des épidémies et qui, sans même connaître la nocivité et le comportement du virus, ont d’emblée pris les mesures politiques adéquates pour le maîtriser. 

Platon voulait mettre les philosophes au pouvoir. C’était une mauvaise idée qui a rapidement fait long feu. En laissant la science décider à la place de la politique, il n’est pas sûr que nous ayons fait le bon choix.