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La mode des sociétés chèque en blanc

Les Spac visent des entreprises qui proviennent des secteurs fintech, informatique et technologie. Par Jimmy Dupuis

«Le régime présente cependant un avantage de taille: les exigences d’informations financières sont moins importantes que lors d’une introduction en Bourse (IPO) classique.»
Keystone
«Le régime présente cependant un avantage de taille: les exigences d’informations financières sont moins importantes que lors d’une introduction en Bourse (IPO) classique.»
Jimmy Dupuis
Centre patronal - Responsable politique économie extérieure
17 février 2022, 22h17
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L’absence d’opportunités d’investissement, les faibles taux d’intérêt et l’afflux d’épargne résultant de la crise sanitaire ont récemment entraîné une ruée vers les sociétés d’acquisition à vocation spécifique (Spac). En 2021, le volume des transactions y relatives a littéralement explosé, laissant un temps craindre l’émergence d’une bulle spéculative. Selon le cabinet Ernst & Young, un total de 646 transactions Spac ont été recensées dans le monde, soit une croissance de 136% par rapport à l’année précédente, pour un volume d’émission total de 161 milliards de dollars.

Le Spac se définit comme une coquille vide – dépourvue d’activité opérationnelle – créée pour être introduite en bourse afin de lever des fonds destinés à financer une opération de fusion-acquisition indéterminée à la date de sa cotation en Bourse. Dite opération vise des cibles non cotées, ceci généralement dans un délai maximal de 24 mois.

Le propre du Spac est qu’originellement, l’investisseur ne sait absolument pas dans quoi il investit puisqu’il n’y a pas d’entreprise à proprement parler, ni même d’actifs ou de produits, raison pour laquelle on parle de société chèque en blanc. En substance, la levée de fonds initiale repose essentiellement sur des aspects psychologiques, à savoir sur la confiance accordée à l’équipe de gestion aux commandes, équipe dont les membres (les fameux sponsors) peuvent acquérir des actions à bas prix. On notera à ce titre que le système veut que les sponsors misent peu d’argent au départ tout en se taillant la part du lion en cas de succès.

Dans le sillage des cryptomonnaies, le Spac attire surtout des investisseurs disposant d’une solide appétence au risque

Jimmy Dupuis

En tant que véhicule blanc-seing, le Spac a plutôt mauvaise presse depuis son avènement dans les années 80. Outre les risques découlant de la réglementation limitée en matière de transparence, force est de convenir que le Spac a tendance à sous-performer. Le régime présente cependant un avantage de taille: les exigences d’informations financières sont moins importantes que lors d’une introduction en Bourse (IPO) classique. Une entreprise non cotée en phase de croissance peut ainsi éviter une coûteuse IPO en fusionnant avec un manteau d’actions. A l’inverse d’une vente commerciale, les actionnaires de l’entreprise cible ont alors la possibilité de prendre un rôle actif dans la gestion du Spac.

De manière générale, les entreprises cibles proviennent des secteurs fintech, informatique et technologie. Il faut avouer que, dans le sillage des cryptomonnaies, le Spac attire surtout des investisseurs disposant d’une solide appétence au risque qui associent la technologie à de l’argent facile. Nombre d’analystes s’accordent d’ailleurs à dire que le Spac est avant tout un vecteur de spéculation. En tout état de cause, il demeure un véhicule singulier d’accès au marché financier qui se situe à mi-chemin entre le private equity – qu’il contribue à démocratiser – et le marché des capitaux. Il représente également un axe de développement des bourses, ce qui a bien été compris en Suisse vu que SIX Group a mis au point une norme de cotation dédiée. On peut dès lors également appréhender le Spac, lorsqu’il est associé à un mécanisme idoine de protection des investisseurs, comme une méthode innovante dans l’introduction en Bourse.