Comme il est tentant de commencer cet essai par la fin, par une phrase qui résume tout le propos, tirée d’un proverbe, chinois forcément: «Quand souffle le vent du changement, il y a ceux qui construisent des murs, et ceux qui construisent des moulins à vent.»
David Baverez n’est pas un sinologue, mais un homme d’affaires français établi à Hong Kong depuis près de 10 ans. Son dernier livre, paru ce printemps, détonne, autant par la forme que le fond.
Pour expliquer quelle relation la Chine et l’Europe pourraient construire, l’essayiste s’amuse en effet à faire parler à la première personne l’homme qui ne se livre jamais, Xi Jinping. Cet homme qui a réduit au silence les libraires et éditeurs de Hong Kong qui avaient l’audace de lui consacrer des biographies non-autorisées.
A trop vouloir la liberté et l’égalité, les Européens devront renoncer aux deux
Cinq Européens dialoguent de manière fictive avec le président chinois, pour «analyser aujourd’hui un ‘rival systémique’ avec le regard le plus objectif possible, pour tenter demain d’en tirer parti sans pour autant en prendre son parti», justifie David Baverez. Vu de Suisse, il manque évidemment un Helvète à cet exercice, tel un Uli Sigg, pour apporter la vue d’un véritable entrepreneur...
C’est davantage sur le fond que ce livre interpelle. Loin des habituelles nouvelles négatives venues de Chine, en particulier en matière de libertés individuelles, il s’efforce de montrer comment ce pays influencera le XXIe siècle. «Ce qui compte pour notre avenir n’est plus la technologie américaine, mais la demande intérieure», déclare Xi Jinping, sous la plume de David Baverez. Autrement dit, le marché chinois devient tellement important, que le monde entier, Américains compris, y adaptera ses produits.
L’homme d’affaires rappelle quelques statistiques peu connues, comme sur l’égalité des genres. «Savez-vous qu’en Chine 60% des start-up sont créées par les femmes, alors qu’elles ne sont que 20% aux Etats-Unis? […] La chine compte plus de femmes que d’hommes milliardaires», se vante ainsi le leader chinois.
En creux, David Baverez critique aussi l’Europe. «Votre principale force reste cette capacité à fédérer 1,4 milliard de Chinois alors que nous échouons lamentablement à rassembler 400 millions de ‘citoyens’ européens», fait-il dire à un de ses témoins européens. L’auteur rappelle que pour Pékin le contrôle politique est la condition à la réussite économique. Et qu’à trop vouloir la liberté et l’égalité, les Européens devront renoncer aux deux. Une histoire de murs ou de moulins.
*David Baverez, «Chine-Europe: le grand tournant», éditions Le Passeur, 204 pages, avril 2021, 27,80 francs.
