Le 4 février dernier, la commission de l'économie et des redevances du Conseil des Etats annonçait par voie de communiqué avoir repris ses travaux relatifs au projet de mise en œuvre de l'initiative parlementaire de l'ancien conseiller aux Etats Konrad Graber, laquelle vise en particulier à introduire plus de flexibilité dans la loi sur le travail pour les cadres.
En été 2021, un projet de modification de l'ordonnance 2 relative à la loi sur le travail a été mis en consultation. Il prévoyait, pour les cadres et spécialistes, un modèle, assorti de nombreuses conditions, permettant l'annualisation du temps de travail ainsi que la possibilité de travailler quelques heures le dimanche sans autorisation.
Dans son communiqué, la commission indique avoir finalement décidé, «après d'intenses débats», d'opter pour une autre voie: elle propose que les salariés qui exercent une «fonction de supérieur» dans certains types d'entreprises (technologie de l'information, conseil, audit ou fiducie), qui disposent d'un salaire brut supérieur à 120.000 francs, sont titulaires d'un diplôme de formation supérieure et disposent d'une grande autonomie ne soient plus obligatoirement soumis à la loi sur le travail (sous réserve des dispositions relatives à la protection de la santé).
Il existe déjà plusieurs catégories d'entreprises et de travailleurs auxquels la loi fédérale sur le travail ne s'applique pas
Sophie Paschoud
Les syndicats ont évidemment vivement réagi. Unia a publié un communiqué intitulé «Travailler 24h sur 24h? Non merci!» et dénonçant un «jeu dangereux avec la santé des travailleurs». A cet égard, il n'est peut-être pas inutile de rappeler qu'il existe d'ores et déjà plusieurs catégories d'entreprises et de travailleurs auxquels la loi fédérale sur le travail ne s'applique pas. Outre les employés exerçant une «fonction dirigeante élevée», il en va notamment ainsi du personnel des ménages privés, des équipages des entreprises suisses de transport aérien, des enseignants des écoles privées, des enseignants, assistants sociaux, éducateurs et surveillants occupés dans des établissements (la liste exhaustive figure aux articles 2 et 3 de loi). Ces employés travaillent-ils vingt-quatre heures sur vingt-quatre? Leurs employeurs jouent-ils avec leur santé? Bien sûr que non.
La réalité est que la rigidité de la législation est totalement inadaptée à l'activité des cadres supérieurs, qui sont tous, sans exception (y compris, probablement, ceux qui œuvrent au service d'organisations syndicales) amenés, en certaines occasions, à l'enfreindre: ne pas prendre de pause au sens strict à la suite d’un repas d’affaires ou après avoir mangé dans le train au cours d’un trajet professionnel, avancer sur un dossier un dimanche ou dépasser, de temps à autre, la durée maximale de la semaine de travail afin de pouvoir achever un projet dans les délais sont des situations somme toute assez banales pour cette catégorie d'employés.
Tenir compte de cette situation en agissant sur le champ d'application de la loi sur le travail, plutôt que par de nouvelles dispositions accentuant la complexité du texte légal et son manque de lisibilité, est la voie à suivre.