Comme d’habitude, le canton de Genève est confronté à des grandes difficultés financières. Bien sûr, la pandémie et la situation ukrainienne n’ont pas arrangé les choses mais les raisons profondes des déficits de Genève (et de bien d’autres cantons) sont à chercher ailleurs.
Il y a de nombreuses années, je n’arrivais pas à comprendre pourquoi le Conseil d’Etat genevois ne mettait pas en place des solutions radicales. A cette époque, en tant que cadre dans un groupe industriel mondial basé en Suisse alémanique, j’ai été plusieurs fois dépêché dans des pays lointains pour redresser des filiales en proie à de grandes difficultés, parfois même existentielles. Dans ces circonstances, la pression sur mes épaules était infinie, c’est-à-dire à la hauteur des attentes des propriétaires du Groupe.
Naturellement, il est impossible de restructurer en profondeur une filiale - et parfois de licencier des centaines d’employés - sans obtenir un fort soutien sur le terrain. Mais, en plus, l’appui inconditionnel des propriétaires du groupe était un atout primordial. Si, dans le secteur privé, il est possible d’accroître radicalement l’efficacité d’une organisation, pourquoi est-ce que cela paraît être mission impossible au sein de la république du bout du lac?
Plus tard, lorsque j’ai été engagé pour diriger une organisation parapublique sous l’égide de six cantons, j’ai obtenu une réponse immédiate à cette question. Je n’oublierai jamais mon tout premier meeting dans cette organisation - je me demandais même si je n’étais pas dans un film - avec six conseillers d’Etat, six chefs de service (qui soufflaient à l’oreille des conseillers d’Etat) et quatre - cinq autres personnes. Le plus surprenant n’était pas le nombre impressionnant de participants qui n’avaient pas - en grande majorité - lu les documents distribués à l’avance. Le plus étonnant pour moi était la question toujours sous-jacente: comment faciliter une réélection ?
Le fait d’avoir des fonctionnaires mieux payés - mais licenciables comme dans le secteur privé - devrait faciliter une optimisation fondamentale de la fonction publique
Philippe D. Monnier
Je pense sincèrement que l’on peut être fier des politiciens suisses car ils sont presque toujours honnêtes et travailleurs. Néanmoins, si un conseiller d’Etat n’est pas réélu, il lui sera souvent difficile de reprendre son ancien métier. A cause de ce risque personnel, il lui sera fort difficile d’initier des restructurations radicales. Non seulement ses employés sont aussi ses électeurs mais, surtout, un mécontentement général au sein de son département fera les choux gras de la presse.
Pour atténuer cette problématique, je propose trois pistes. Primo, pour garantir une plus grande stabilité, les conseillers d’Etat pourraient être élus par les Parlements et non pas par le peuple; c’est d’ailleurs déjà la situation des conseillers fédéraux.
Secundo, à l’instar du modèle singapourien, les rémunérations des conseillers d’Etats et des fonctionnaires pourraient être (graduellement) calquées sur les salaires du secteur privé; à terme, le fait d’avoir des fonctionnaires mieux payés - mais licenciables comme dans le secteur privé - devrait faciliter une optimisation fondamentale de la fonction publique, c’est-à-dire la fourniture de davantage de prestations avec beaucoup moins de ressources.
Tertio, il ne faut surtout pas mettre des entraves à la concurrence fiscale intercantonale, synonyme d’un véritable encouragement vers plus d’efficacité étatique.