La formation professionnelle a la cote. Normal, elle est au cœur de nombreux défis actuels: pénurie de personnel, réalisation de la transition énergétique, financement des retraites, intégration.
Elle permet l’intégration par le travail, un accès aux compétences. Des solutions existent pour tous les profils: préapprentissage pour les gens issus de la migration, AFP (attestation fédérale de formation professionnelle) comme une première marche. Mais elle s’adresse aussi aux plus talentueux et à ceux qui visent l’excellence: les possibilités de perfectionnement sont infinies. Il s’agit véritablement d’une voie à succès vers l’intégration au marché du travail et d’un raccourci pour l’entrepreneuriat.
L’apprentissage en dual est aussi ancré dans la réalité. C’est le monde du travail, le vrai. Avec un processus de recrutement, un CV et des entretiens à réussir. Avec cinq semaines de vacances et un salaire à la fin du mois. Des discussions sérieuses à la pause. Parfois des photocopies à faire, ou même, grand dieu, des cafés. Avec aussi, au début, un peu de peine avec les horaires stricts et plus longs d’une entreprise: tout cela est juste normal.
Pour les collègues, c'est devoir transmettre des compétences sociales à un adolescent occupant sa première place de travail. Avoir pour rôle d’inculquer l’amour du travail bien fait à un nouvel arrivant un peu gauche. Devoir encadrer, féliciter, motiver ou réprimander un apprenti qui ne demande qu’à comprendre le monde professionnel… tout cela aussi est juste normal.
Tout le monde trouve la formation professionnelle géniale… mais pour les enfants du voisin
Baptiste Müller
Et malgré tout cela, durant trente ans, les études longues ont bénéficié d’un prestige exagéré. Politiquement, culturellement, socialement, on a promu et valorisé l’accès au gymnase. Certains voulaient répliquer pour leurs enfants le modèle qui leur a réussi. D’autres pensaient faussement que l’ascenseur social passait par l’université.
Mais c’est fini. Maintenant, l’apprentissage est politiquement tendance. L’heure de la formation professionnelle est arrivée en Suisse romande. Le discours dominant a changé. Tout le monde se tape dans le dos, on valorise l’apprentissage, on fait des plans d’action et on change le monde. Vraiment? En fait, pas vraiment.
Tout le monde trouve la formation professionnelle géniale… mais pour les enfants du voisin. C’est comme les éoliennes ou la 5G. En théorie on est d’accord, mais surtout pas à côté de son jardin. Cette hypocrisie donne l’impression qu’on avance. Comme si, en étant tous d’accord sur le constat du problème, on avait déjà mis en œuvre la solution.
La formation professionnelle souffre sur l’arc lémanique. Elle mérite mieux qu’un diagnostic: il faut prendre de vraies mesures systémiques. Les affiches promotionnelles et la sensibilisation, c’est cool et il faut soutenir ces projets. Mais cela ne rattrape pas trente ans de discours dominant. Alors allons-y franchement et commençons par durcir l’accès au gymnase, à clarifier le positionnement de l’école de culture générale et à repenser la fin de la scolarité obligatoire.