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Faut-il réguler le courtage immobilier?

L’accès à cette profession ne représente aucune restriction, mais cela ne pose pas forcément problème. Par Patrice Choffat

«Il est à noter que les courtiers sont incités par les structures de leur travail à acquérir des mandats et vendre les objets de ces mandats au plus vite.»
KEYSTONE
«Il est à noter que les courtiers sont incités par les structures de leur travail à acquérir des mandats et vendre les objets de ces mandats au plus vite.»
Patrice Choffat
Bestag - Fondateur
01 novembre 2023, 15h00
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Le courtage immobilier n’a pas très bonne réputation et des voix s’élèvent pour une régulation de la profession. Souvent ces voix viennent du monde du courtage immobilier lui-même. Pourquoi?

Premièrement, il est à noter que l’accès à la profession de courtier immobilier ne présente aucune restriction. Ce fait peut conduire à des prestataires de services peu ou pas formés pour ce travail. En outre, il faut prendre en compte que la clientèle est souvent naïve par défaut. On vend une fois dans sa vie, donc la clientèle ne peut pas s’appuyer sur son expérience client pour améliorer son choix sur la durée. Les consommateurs sont donc à haut risque de faire des erreurs dans cette transaction à grande portée financière. De surcroît, il est observé que certaines start-up dans le domaine ont provoqué une réaction des courtiers traditionnels, qui demande à présent à être régulée pour «protéger la réputation de la branche» (ou pour se protéger eux-mêmes?).

De même, il est à se demander si une fiduciaire aidant un client existant à vendre devrait être régulée

Patrice Choffat

Le périmètre d’une réglementation est très difficile à définir. Une réglementation manquerait sans doute sa cible, tout en touchant potentiellement des cas peu critiques, sans parler de la création d’un monstre administratif. Il se pose alors des questions pertinentes telles que: un proche aidant à vendre prenant une compensation est-il à réguler? Faut-il réguler un fournisseur technologique qui offre une plateforme, mais pas de service de vente à proprement parler (puisqu’il facturera que le bien soit vendu ou non via un contrat de services)? Ce point est crucial car beaucoup de nouveaux entrants sont dans cette catégorie. De même, il est à se demander si une fiduciaire aidant un client existant à vendre devrait être régulée.

Il est essentiel que toute régulation dans le domaine de la protection des consommateurs soit mesurée à l’aune des besoins des clients, soit une vente effectuée correctement, qui comporte les étapes suivantes: évaluation de la propriété à vendre, définition de la stratégie de vente, commercialisation du bien, négociation du prix final et réduction des charges mentales et de travail du client.

Il est indéniable que le manque potentiel de formation des prestataires et une clientèle probablement naïve constituent deux arguments pour une réglementation. Cependant, deux autres problèmes semblent encore plus importants pour la réputation controversée de la branche.

Primo, l’incapacité des courtiers qualifiés et spécialistes de leur marché local à se distinguer de leurs concurrents peu formés ou non locaux. Secundo, il est à noter que les courtiers sont incités par les structures de leur travail à acquérir des mandats et vendre les objets de ces mandats au plus vite. Ce faisant, le courtier est invité à faire «le nécessaire».

Le problème réside dans la structure des incitations du courtage

Patrice Choffat

A cet égard, il est clair qu’aucune formation ne préviendra qu’un courtier lausannois ne prenne le mandat d’un client à Genève. En outre, aucune réglementation ne préviendra qu’un courtier ne sous-estime une propriété, dont il obtient le mandat avec certitude sans concurrence. De plus, aucune certification ne préviendra qu’un courtier ne pousse son client à accepter une offre sous la valeur du bien afin de conclure l’affaire et de passer à la suivante…

En se focalisant sur les structures incitatives, on remarque que celles-ci sont particulièrement importantes. En particulier, l’évaluation du bien est le point le plus critique d’une commercialisation, et elle est souvent plus influencée par la situation entre les clients et les courtiers (ou le type de courtier) que par les compétences et les certifications. De même, dans la négociation, et d’une manière générale pour la représentation des intérêts du client par le courtier, la compensation est cruciale: trop peu variable relative au prix de vente et le courtier sera tenté de faire accepter un prix inférieur à la valeur de marché de la propriété au vendeur.

Pour conclure, le problème réside donc bien dans la structure des incitations du courtage ainsi que dans la capacité des courtiers à se faire reconnaître comme compétents, spécialistes locaux et aptes à vendre à un meilleur prix que leurs concurrents ou que les propriétaires eux-mêmes.