Christophe Clavé
EGMA - Président
05 novembre 2020, 19h39
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Notre époque est faite de contradictions et de paradoxes. Selon la Banque Mondiale le nombre de personnes en situation de pauvreté dans le monde est passé de 2 milliards en 1990 à 700 millions en 2015.
Si la courbe se prolonge il n’y aura bientôt plus de personne en situation de grande pauvreté dans le monde (au sens de la Banque Mondiale).
En même temps, les habitants des pays le plus riches n’ont jamais été aussi riches et jamais aussi insatisfaits de leur situation. Ils manifestent, souvent violemment, votent pour des partis extrémistes aux idéologies mortifères, perdent confiance en leurs institutions, rejettent par ignorance et par paresse le socle du contrat social qui leur a permis de vivre en paix et libres pendant trois quarts de siècle.
Déboucher sur une action
Le discours politique n’est plus qu’incantations vides d’action. Combattre cette apathie qui nous mène au désastre nécessite un effort. Un effort qui passe par la pensée complexe et l’action. La pensée complexe c’est le rejet des solutions simples et de la paresse intellectuelle.
C’est l’ouverture de l’esprit pour relier entre eux les phénomènes et c’est l’empathie pour entrer dans le monde des autres. La pensée complexe c’est accepter qu’il n’y ait pas de réponse toute faite. Mais pour être utile à notre monde, la pensée complexe doit déboucher sur l’action. Une action qui rejette les vues simplistes et intègre autant que faire se peut la complexité du monde. Il y a là une grande contradiction. Comme l’écrivait Paul Valéry «ce qui est simple est toujours faux. Ce qui ne l’est pas est inutilisable».
Voilà le défi de notre génération: penser pour se former un jugement le plus éclairé possible, décider ce qui doit être fait en priorité et agir pour appliquer notre décision. Car la pensée complexe peut paralyser. On veut sortir du nucléaire et on refuse les éoliennes pour protéger les paysages. Donc on ne fait rien. Ou pire on sort du nucléaire sans source alternative d’énergie.
Comme il n’y a pas de vérité unique, il n’y a pas d’action parfaite. Chaque action est un pari, qui est pris sur la base de notre compréhension plus ou moins éclairée.
Dans un article publié sur The Conversation Ousama Bouiss propose quelques principes «pour penser dans un monde complexe.» En substance il s’agit de prendre du recul. Ne pas prendre les évènements de front, à bout portant. Le recul ouvre notre champ cognitif. Avec un peu de distance, on perçoit et voit plus de choses.
Cette ouverture nous aide à relier entre eux des phénomènes, à discerner les systèmes, les déterminismes, les liens de causalité, la complexité à l’œuvre. Avec cette disposition d’esprit, vous verrez des contradictions et des paradoxes. N’en éliminez aucun. Apprenez à les combiner.
Le XXIe siècle est le siècle du «en même temps». Être «en même temps» leader et expert, être «en même temps» organisé et innovant, être «en même temps» bienveillant et exigeant. Il s’agit dès lors d’accepter de ne pas tout savoir, de ne pas tout comprendre et d’adopter une attitude apprenante qui exige une bonne dose d’humilité. Et enfin et surtout agir. La pensée sans action n’est rien. En entreprise comme ailleurs il s’agit d’appréhender la complexité pour agir.
*Président EGMA