Le risque de pénurie d’électricité, même s’il ne se concrétise pas en février-mars 2023, ne disparaîtra pas avec le retour du printemps. D’autant que le vrai défi à relever ne consiste pas à maintenir la production d’électricité au niveau d’avant la pandémie de Covid-19 ou de la guerre d’agression russe contre l’Ukraine, mais bien à augmenter massivement la production de courant, si possible en Suisse, en tous les cas en Europe occidentale.
Il est en effet impossible de décarboner à terme notre économie et, plus particulièrement, la majeure partie de nos installations de chauffage et de nos véhicules motorisés, sans une augmentation majeure, au préalable, de la production d’électricité. Or, suite à la triste mise en lumière de la grande illusion du tournant énergétique allemand, qui reposait en réalité sur une dépendance toujours plus grande de l’Allemagne au gaz russe, les décideurs européens et leurs homologues suisses n’ont plus le droit à l’erreur en matière de politique énergétique.
A l’évidence, l’approvisionnement de notre continent et de notre pays en électricité pendant la période hivernale ne pourra pas être assuré par les seules nouvelles énergies renouvelables, à savoir notamment le photovoltaïque et l’éolien, qui dépendent des aléas de la météo.
Le stockage de grandes quantités d’électricité sous une autre forme d’énergie est désormais indispensable
Patrick Eperon
A l’évidence également, le stockage de grandes quantités d’électricité sous une autre forme d’énergie est désormais indispensable. En l’état actuel, le stockage de courant sous forme de gaz constitue la meilleure solution technique possible, étant par ailleurs entendu que l’Europe, qui ne peut plus dépendre de la Russie, doit se fournir en gaz à un coût élevé auprès d’autres pays, y compris les Etats-Unis producteurs de gaz de schistes. Ce qui fait que l’utilisation du gaz comme vecteur énergétique transversal ne peut être que transitoire.
Il n’est donc pas étonnant que l’Union européenn, et plus particulièrement l’Allemagne et la France, misent désormais sur l’hydrogène, dont les coûts de production et de transformation sont cependant non seulement élevés pour l’heure, mais dont la production doit aussi reposer sur des sources d’énergie sans carbone ou bas carbone.
En ce sens, alors que l’Allemagne mise, à la fois, sur des importations massives d’hydrogène produit avec des énergies renouvelables… notamment au Maroc et au Canada, ainsi que sur une production d’hydrogène en Allemagne… sans en exclure visiblement le gaz, la France mise quant à elle sur la production d’hydrogène issu du nucléaire.
Après que le Parlement européen a accepté de considérer les investissements dans des centrales nucléaires comme «verts», il semble que la France vient d’obtenir de l’Allemagne que l’hydrogène puisse être issu du nucléaire et étiqueté «vert»: le/la futur(e) chef(fe) du Département fédéral de l’énergie serait bien inspiré(e) d’en tenir compte.