L’état des discussions sur la politique européenne en Suisse est inquiétant. Au lieu d'attendre, la Suisse doit soumettre des propositions concrètes à l'Union européenne (UE). La place financière suisse en profiterait aussi.
Depuis la rupture des négociations sur l'accord-cadre, l'érosion de la voie bilatérale que l’on prévoyait est devenue un fait, comme le montre Avenir Suisse dans son «monitoring de l’érosion».
La relégation de la Suisse comme Etat tiers dans les programmes de recherche et de formation européens, la fin de la reconnaissance mutuelle des dispositifs médicaux ou l’impossibilité de conclure un accord sur l’approvisionnement électrique ne sont que les premiers effets négatifs de l'instabilité des relations avec l'UE. Sans doute cette évolution n’est-elle pas encore perceptible par le grand public, mais il en va comme de la circulation routière: faut-il attendre un accident grave pour réglementer un carrefour?
L’effectif des banques privées au cours des dix dernières années a augmenté d'un quart en Suisse, tandis qu'il s’est envolé de deux tiers à l'étranger.
Grégoire Bordier
La place financière est aussi concernée. La moitié des avoirs de clients étrangers gérés en Suisse provient de l'UE. Mais les banques suisses n’ont guère le droit de servir les clients européens depuis la Suisse. Sans accès au marché, les banques suisses sont contraintes de développer leurs activités à l'étranger. L'évolution de l’effectif des banques privées en est un exemple concret: au cours des dix dernières années, celui-ci a augmenté d'un quart en Suisse, tandis qu'il s’est envolé de deux tiers à l'étranger. Cela signifie une perte de savoir-faire, de recettes fiscales et d'emplois en Suisse.
Comment y remédier ? La Suisse doit définir des thèmes qui présentent un intérêt à la fois pour elle et pour l'UE et qui peuvent être discutés de manière groupée.
Outre les dossiers précités, les services bancaires transfrontaliers sont aussi un sujet à négocier. Des idées concrètes existent, que tous les groupes de banques suisses soutiennent, et qui veulent aussi répondre aussi aux exigences de l'UE.
En outre, il ne faut pas avoir peur des questions de reprise (partielle) du droit de l'UE ou de règlement des différends. Il est temps d’admettre que l’on a déjà transformé une part de notre souveraineté en prospérité avec les accords bilatéraux. Veut-on continuer dans cette voie ou faire demi-tour? La Suisse ne peut pas se permettre d'attendre jusqu'après les élections de fin 2023 pour déterminer ce qu’elle veut.