En Suisse, le sujet est encore plus tabou que celui des banques et des caisses maladie. Mais la question se pose aussi fortement qu’ailleurs: l’industrie pharmaceutique n’est-elle pas devenue trop grande - non pas pour faire faillite, ce qui est exclu - mais simplement pour être critiquée?
Que ce soit pour l’homologation et le prix des médicaments, les aides à la recherche, les partenariats universitaires public-privé, les conflits d’intérêt entre les industriels et les médecins, le simple fait de questionner le bienfondé des intérêts en place déclenche aussitôt des réactions en chaîne. Des bataillons de lobbyistes, de conseillers nationaux, de défenseurs de la libre entreprise, de promoteurs de la recherche-qui-sauve-des-vies se mettent aussitôt en branle et pourfendent l’inconscient qui a osé mettre en doute le dogme d’une industrie par définition bienveillante et altruiste. Ou qui, ô sacrilège, a osé proposer des remèdes alternatifs, naturels ou homéopathiques.
Et pourtant le doute est permis.
La crise du Covid, que chacun fait semblant d’oublier alors qu’elle sévissait encore il y a cinq mois, a amplement démontré que l’imposition forcée de vaccins n’a empêché ni la contagion ni la réinfection, et l’interdiction de traitements d’emblée jugés peu sûrs et inefficaces malgré leur innocuité prouvée par des décennies d’usage sans problème, devaient plus à l’existence de campagnes massives de promotion et de réseaux solidement établis qu’à l’efficacité des solutions thérapeutiques proposées.
Admettons cependant que le doute subsiste et qu’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives. Ce qui ne souffre plus de contestation en revanche, c’est le désastre de la crise des opioïdes aux Etats-Unis, crise entièrement provoquée par les effets secondaires des anti-douleurs massivement prescrits par des médecins à la solde de leurs fabricants. On y estime qu’entre 2009 et 2018, un demi-million d’Américains sont morts de surdose causée par des opiacés prescrits officiellement ou vendus illégalement. L’addiction est si forte que certains experts craignent même une pandémie mondiale.
Pas question ici de tomber dans l’extrême inverse et de dénigrer sans mesure la pharma
Guy Mettan
Après des années de lutte, la justice a enfin réagi et certaines compagnies ont dû se mettre en faillite tandis que d’autres se sont vues condamnées à des milliards de dollars de pénalités. Mais le combat n’est pas fini et se déplace sur d’autres fronts. On se souvient du scandale sans fin du Mediator en France. Et que dire de la vogue de la ritaline que les psychiatres préconisaient à tour de bras voici dix ans au prétexte de combattre ce nouveau mal du siècle qu’était l’hyperactivité? Des centaines de milliers d’enfants se sont vu prescrire le médicament miracle. Sans toujours lire la notice d’emploi, laquelle avertissait en petits caractères que le médicament pouvait donner lieu à des crises de nerf incontrôlables chez certains sujets sensibles. Aujourd’hui on en revient. Mais après quels dégâts et quels coûts?
Pas question ici de tomber dans l’extrême inverse et de dénigrer sans mesure l’industrie et la recherche pharmaceutiques. Mais il serait bon que, en notre qualité de citoyen-consommateur, nous rappelions à celles-ci que le but premier de toute médecine hippocratique consiste d’abord à ne pas nuire.