Le forestier allemand Peter Wohllenbrn a révélé au monde entier, dans son best-seller «La vie secrète des arbres», qu’un gigantesque réseau de champignons microscopiques permettait aux arbres d’échanger des informations. L’écologue Suzanne Simard, qui mène depuis plus de trente ans des travaux dans le domaine de l’écologie forestière, affirme que les forêts ne sont pas seulement un ensemble d’arbres, mais des systèmes complexes avec des hubs – points centraux où se groupent toutes sortes de communications – et des réseaux qui existent depuis quatre cent cinquante millions d’années, surnommés Wood Wide Web par analogie au World Wide Web. Comment cela est-il possible? Grâce aux réseaux mycorhizidiens créés par des champignons qui relient les arbres entre eux et transfèrent de l’eau, du carbone, de l’azote et d’autres nutriments et minéraux.
Une véritable stratégie collective
Les recherches en la matière doivent se poursuivre, mais il semble que ces réseaux servent de «téléphone» aux arbres, leur permettant de communiquer entre eux en cas de danger (chenilles, parasites ou cerf venu brouter des feuilles, par exemple). Certains spécialistes mentionnent même l’entraide des arbres via le système racinaire lorsque l’un d’eux est malade. Les informations passent par le tronc des branches aux racines, et des racines à celles des autres arbres auxquels ils sont connectés. Le signal d’alarme, qui fonctionne comme une impulsion électrique, se transmet à raison d’un centimètre par minute. Une véritable stratégie collective rendue possible grâce à des champignons et qui permet aux arbres de coopérer entre eux.
La compétition est omniprésente dans la nature, mais ces études montrent que la coopération existe également. Il serait dès lors intéressant de nous inspirer des arbres et de leurs modes de fonctionnement à l’heure où l’individualisme, le repli sur soi, la volonté d’un renforcement des frontières, le rejet du multilatéralisme et du compromis gagnent inexorablement du terrain. Ce n’est qu’ensemble, en coopérant, que nous pourrons faire face aux enjeux, notamment climatiques et sanitaires. Les objectifs du développement durable des Nations unies ne pourront jamais être atteints sans coopération.
Un facteur de progression
En économie, la compétition est indispensable. C’est un ressort de l’action, de l’inventivité, un facteur de progression. Il n’en demeure pas moins que l’entreprise n’est plus une île en compétition avec d’autres îles. Elle doit coopérer, car elle est interdépendante des unes et des autres, tout comme de ses parties prenantes. C’est ce qu’on désigne par la «responsabilité sociétale de l’entreprise».
Bernard Gainnier, président de PWC France et Maghreb de 2013 à juin 2021, qui a écrit, en 2020, «Chefs d’entreprise, ce que le monde attend de nous. Patrons, oserez-vous?», résume parfaitement bien ce qui précède: «Notre monde globalisé, pour être utile, doit dorénavant apporter des réponses plus sophistiquées faites de coopération et de symbiose».