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Chacun pour soi

La surenchère sur les vaccins a eu raison des bonnes intentions du départ. Par Jacques Neirynck

Jacques Neirynck
Ancien conseiller national
19 février 2021, 7h00
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Lorsqu’il est apparu à l’automne que des vaccins seraient disponibles, les commandes ont afflué auprès des entreprises qui ont assuré la bouche en cœur qu’elles seraient honorées. De même les instances officielles ont fait assaut de vertu pour affirmer que les livraisons se feraient en fonction des besoins et sans aucune surenchère.

On ajoutait même que les pays les plus pauvres ne seraient pas privés et qu’on leur en fournirait gratis si besoin. 

L’UE, tout de même prudente, a fait spécifier que cela valait la même somme quelle que soit l'implantation des usines dans un pays ou un autre.

Non seulement le monde développé avait réussi en un temps record à inventer des vaccins mais à les tester et s’apprêtait à les répartir selon les exigences de la vertu des peuples civilisés. Chine et Russie faisait bande à part et inventait, produisait et vaccinaient à tour de bras sans trop de scrupules en matière de test.

A l’arrivée cette surenchère de vertu et d’altruisme s’effondre comme un décor. On apprend qu’Israël a surenchéri, dispose des doses nécessaires et vaccine à tour de bras. On vient même d’apprendre que cette campagne commence à produire ses fruits et que l’épidémie régresse.

Et puis subitement, les trois producteurs en course pour les fournitures annoncent à l’UE et à la Suisse que les promesses ne pourront pas être tenues, que des problèmes de fourniture de réactif, de logistique ou d’entretien de la chaîne de production entravent la livraison.

On apprend aussi que ces problèmes n’intéressent pas le Royaume-Uni qui dispose de deux usines. L’UE réplique en bloquant la livraison à l’Angleterre des vaccins produit chez elle. Enfin la disponibilité des vaccins et inexistante en Afrique.

C’est l’application d’un principe élémentaire de gouvernance. En cas d’urgence, de guerre, de famine, d’épidémie, l’égoïsme national reprend le dessus. Chacun pour soi.

Nous apprenons de plus en plus que nous devrons «vivre» avec le virus, qui n’arrêtera pas de muter, de franchir les frontières, d’enclencher des confinements, de dégrader les économies nationales.

Les pauvres qui n’auront pas pu produire ou se payer des vaccins deviendront encore plus pauvres. Et les riches plus riches. Les apparences sont encore à peu près sauves, mais imagine-t-on ce que la situation serait actuellement si l’épidémie était celle du virus Ebola avec une létalité de 50% ? Or il est endémique en Afrique et peut à tout moment surgir en Europe. La Suisse a-t-elle un stock de vaccins ?