Le débat autour des propositions pour surmonter la crise du coronavirus fait parfois émerger de drôles d’idées. Récemment, le responsable de l’un des plus grands instituts publics de recherche économique du pays a proposé de surtaxer les bénéfices des entreprises qui ont bien résisté à la crise et qui continuent d’afficher de solides résultats.
Cette proposition a pour but de financer les énormes dépenses consenties par l’Etat afin de venir en aide aux entreprises et aux ménages gravement impactés par la pandémie. Toutefois, elle doit être examinée de manière extrêmement attentive et critique pour plusieurs raisons.
Une économie solide
Tout d’abord, l’une des idées qui ressort très souvent du débat soulevé par la pandémie est que l’économie – qui s’en sort mieux que redouté – a été «sauvée» par l’Etat, grâce aux mesures de relance mises en place. Il est vrai que, dans certains secteurs bien connus, un nombre significatif d’entreprises n’auraient pu se maintenir à flot sans le chômage partiel et les prêts garantis octroyés par les banques.
Il n’empêche que si, par rapport aux autres pays, l’économie helvétique fait dans sa grande majorité si bien face à la crise, c’est parce que de nombreuses entreprises suisses sont très bien positionnées, solidement financées et extrêmement compétitives.
A qui la faute?
Pour justifier le bien-fondé des programmes de relance étatique et, à plus forte raison, la proposition de tailler dans les bénéfices réalisés par des entreprises bien gérées, certains font à présent valoir que les secteurs et les entreprises concernés ont subi des dommages ou réalisé des profits «sans que cela ne leur soit imputable».
Or l’argument selon lequel le dommage n’est pas imputable et qu’une indemnisation doit être versée par le biais de taxes peut également être remis en question. Après tout, les pandémies sont la conséquence de l’explosion démographique, de centres urbains de plus en plus densément peuplés et de la mondialisation. Cela fait des années que des spécialistes avertissaient de la possibilité qu’une telle crise éclate. Et les gens sont de plus en plus conscients qu’une pandémie pourrait, à nouveau, se propager dans le monde entier.
Limiter le rôle de l’Etat
Une question légitime se pose donc: l’Etat a-t-il le droit d’utiliser l’argent des contribuables pour soutenir des activités qui risquent également de faire l’objet de restrictions massives, voire d’un arrêt complet, à moyen et long terme vu le contexte actuel? En outre, une taxation disproportionnée des bénéfices viendrait priver de fonds de croissance et d’investissement des entreprises que les modèles d’affaires ont immunisées contre la menace de pandémie qui risque de persister.
L’Etat ne peut avoir vocation à mettre en place des mesures d’incitation financées par une redistribution massive qui favoriserait des modèles d’affaires non viables et qui taxerait de surcroît les entreprises pérennes.
Il est compréhensible que des mesures doivent être prises à court terme pour venir en aide aux secteurs frappés de plein fouet afin d’éviter une vague de faillites et un chômage de masse. Mais il faut maintenant veiller à ce que les mesures de relance et de redistribution de l’Etat ne soient pas considérablement étendues, que ce soit sur le plan financier ou temporel, à cause d’arguments peu convaincants.
* Chef économiste Suisse / économiste, Chief Investment Office (CIO), UBS Global Wealth Management