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Abolir un impôt d’un autre âge

La réforme de l’impôt anticipé, combattue par référendum, constitue une modernisation indispensable pour la place économique et financière. Par Jean-Hugues Busslinger.

«Mesuré à l’aune du produit intérieur brut, le marché obligataire du Luxembourg est 190 fois plus important que celui de la Suisse.»
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«Mesuré à l’aune du produit intérieur brut, le marché obligataire du Luxembourg est 190 fois plus important que celui de la Suisse.»
Jean-Hugues Busslinger
Centre patronal - Membre de la direction
01 septembre 2022, 14h57
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Notre pays connaît depuis de très nombreuses années le système de l’impôt anticipé, un impôt remboursable perçu à la source par la Confédération sur divers rendements de capitaux mobiliers (notamment sur les intérêts et les dividendes).

Du fait de la perception de cet impôt, les obligations suisses ne sont pas attractives pour les investisseurs étrangers car 35% des intérêts perçus vont à l’administration fédérale des contributions et leur remboursement différé dans le temps est lourd administrativement.

Un désavantage qui représente des milliards

Dès lors, les émissions obligataires reculent en Suisse et augmentent dans d’autres pays, par exemple le Luxembourg qui ne connaît pas d’impôt anticipé. Le phénomène est à ce point évident que, mesuré à l’aune du produit intérieur brut, le marché obligataire du Luxembourg est 190 fois plus important que celui de notre pays. C’est encore plus vrai pour l’émission d’obligations «vertes»: à mi-2022, le Luxembourg en a réalisé quelque 1300 (pour environ 700 milliards d’euros) alors que la Suisse atteignait péniblement 75 émissions (pour 24 milliards environ)!

On sait que la concurrence entre places financières est féroce et qu’une fiscalité inadaptée se transforme vite en boulet. Pour rester dans la course, il s’agit de doter notre place financière des mêmes armes que les autres. La réforme proposée doit inciter les entreprises suisses à relocaliser leurs opérations de financement et les entreprises étrangères à réaliser en Suisse ce type d’opérations.

Pour donner une idée des sommes en jeu, on rappellera que le volume total des emprunts d’entreprises suisses représente quelque 800 milliards de francs, dont 330 ont été émis en Suisse. Le potentiel de rapatriement d’émissions suisses jusqu’ici effectuées à l’étranger est estimé à quelque 115 milliards et celui des émissions étrangères en Suisse à quelque 475 milliards de francs.

Des recettes fiscales à venir

La réforme prévoit que les intérêts générés par les obligations suisses seront exonérés de l’impôt anticipé. Ce regain d’attractivité se traduira par des recettes fiscales supplémentaires que nous abandonnons sans raison aux pays étrangers. La réforme reste mesurée car, d’une part, elle ne concerne pas les dividendes et, d’autre part, ne porte que sur les nouvelles émissions obligataires.

Le rapport coût-bénéfices à moyen et long terme se révèle intéressant, tant en termes de rentrées fiscales qu’en termes d’emplois dans les secteurs bancaire et financier. On se rappellera que toutes les récentes réformes fiscales se sont traduites par une croissance des recettes, alors que les partis de gauche criaient à chaque fois au hold-up et mettaient en garde contre des pertes abyssales.

Supprimer cet impôt archaïque est dès lors une mesure nécessaire pour la place financière, pour les entreprises et, en définitive, pour les collectivités publiques qui ont tout à gagner d’un marché suisse des capitaux concurrentiel.