Le 12 mars prochain, nous voterons à Genève sur l’initiative populaire 179 «Contre le virus des inégalités... Résistons! Supprimons les privilèges fiscaux des gros actionnaires». Issue des rangs d’Ensemble à Gauche, cette initiative rate sa cible et fait planer le risque de larges dégâts collatéraux sur l’économie genevoise.
En effet, qui sont les «gros actionnaires» visés par l’initiative? Selon son Comité, ils seraient 1600, qui gagneraient en moyenne neuf fois plus que le «pauvre» salarié. En réalité, selon l’Office cantonal de la statistique, il y avait en 2020 à Genève quelque 17.000 sociétés de capitaux, qui sont presque toutes des PME et qui fournissent les trois quarts des emplois de notre canton.
Les patrons de ces 17.000 entreprises (votre épicier, votre garagiste, votre coiffeur) sont ceux qui détiennent plus de 10% de leurs sociétés et qui verraient leurs dividendes surtaxés. A l’inverse, les clients des banques, qui investissent dans des sociétés cotées, possèdent très rarement plus de 10% de celles-ci, car cela représenterait des participations de centaines de millions de francs ou plus. Leurs dividendes sont ainsi déjà taxés en plein.
Si notre canton passait à 100% [de part imposable des dividendes qualifiés], on voit mal pourquoi les actionnaires concernés ne franchiraient pas la Versoix pour retrouver les mêmes conditions que maintenant
Grégoire Bordier
Pourquoi réduit-on l’imposition des dividendes de participations de plus de 10%? Pour limiter la double imposition du bénéfice de l’entreprise, déjà imposé une fois au sein de celle-ci, puis une nouvelle fois lors de sa distribution aux actionnaires. Le lien est tel que lorsque l’impôt sur le bénéfice des sociétés a été réduit à Genève en 2020, la part imposable des dividendes qualifiés a été rehaussée de 10%.
La Suisse a été l’un des derniers pays à réduire cette double imposition économique. Tous les cantons pratiquent ainsi, n’imposant que 50% à 80% des dividendes qualifiés, même si cela est facultatif. Dans le canton de Vaud, c’est 60% ou 70%, comme à Genève. Si notre canton passait à 100%, on voit mal pourquoi les actionnaires concernés ne franchiraient pas la Versoix pour retrouver les mêmes conditions que maintenant. Ce ne seraient alors pas des millions supplémentaires pour les crèches et les hôpitaux, mais des millions en moins.
Alors le 12 mars prochain, résistons aux sirènes de la gauche et suivons le Grand Conseil qui a rejeté cette initiative à une large majorité.