Après deux années de pause pour cause de pandémie de Covid-19, le Forum économique mondial (WEF) fait son retour ce lundi à Davos, dans les Grisons. Sans Russes, la réunion des élites politiques et économiques mondiales sera largement dominée par la guerre en Ukraine.
L'édition 2022 du WEF est intitulée "L'histoire à un tournant décisif". Si aucun dirigeant important d'un membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU ne sera présent en raison de la situation internationale, plus de 50 chefs d'Etat et de gouvernement sont attendus dans les Grisons. Au total, près de 2500 dirigeants politiques, du secteur privé et de la société civile sont prévus.
La Suisse prête à un mandat pour l'Ukraine en Russie et inversement
La Suisse anticipe la situation d'après-guerre entre l'Ukraine et la Russie. "Nous préparons déjà la phase" suivante entre les deux pays, a dit lundi le président de la Confédération Ignazio Cassis à la presse suisse à Davos (GR).
"Une fois que la guerre sera terminée", il faudra que quelqu'un représente les intérêts consulaires ukrainiens en Russie et inversement, a-t-il laissé entendre en marge du Forum économique mondial (WEF).
Cette tâche n'est pas inconnue pour la Suisse dans la région. Depuis 2008, Berne remplit déjà ce mandat de puissance protectrice pour la Géorgie en Russie et pour la Russie en Géorgie.
En revanche, la Suisse n'est pas associée à une médiation entre les deux parties pour aboutir à un cessez-le-feu, a rappelé le président de la Confédération. "Nous soutenons ceux qui la font", a-t-il également ajouté.
Le chef du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) est en contact direct régulièrement avec le chef de la diplomatie turque Mevlut Cavusoglu, qui en a la responsabilité.
John Kerry salue l'attitude de la Suisse en faveur du climat
"La Suisse est un exemple" en termes de lutte contre le changement climatique, selon l'émissaire américain John Kerry. Sur l'Ukraine, sa position est "appréciée", a-t-il dit lundi à Davos après sa rencontre avec le président de la Confédération Ignazio Cassis.
"Nous avons parlé de beaucoup de choses" pendant la demi-heure de cette discussion en marge du Forum économique mondial (WEF), a affirmé l'émissaire du président américain Joe Biden. La guerre en Ukraine, la neutralité suisse et le changement climatique ont principalement été abordés.
Il y a quelques mois, lors de la conférence sur le climat (COP26) à Glasgow, M. Kerry avait assisté à la colère de la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga au moment où la Chine et l'Inde ont manoeuvré pour atténuer les efforts sur le charbon dans l'accord. Une attitude que l'émissaire américain dit aujourd'hui saluer.
"Je suis content" que Mme Sommaruga ait eu cette réaction, admet M. Kerry. "Beaucoup d'entre nous partageons" cette frustration, ajoute-t-il. Quelques instants après cette déclaration, l'émissaire chinois Xie Zhenhua, qui a discuté dimanche avec la conseillère fédérale, s'arrête à côté de M. Kerry.
Poing contre poing et accolade pour se saluer chaleureusement, les deux hommes affichent une certaine complicité. "Nous devons nous parler", glisse l'émissaire américain à son homologue, avant de réclamer un peu de discrétion.
Technologies vertes saluées
Les deux hommes avaient surpris il y a quelques mois en annonçant un partenariat pour avancer contre le réchauffement climatique. Ils se retrouveront pendant le WEF dans une discussion commune. "Nous devons redoubler, même multiplier par trois les efforts" en s'appuyant sur les faits et la science, insiste M. Kerry.
Sur l'Ukraine, M. Kerry ne veut pas outrepasser son mandat et s'exprimer à la place du président Joe Biden. "Nous avons apprécié" la position suisse sur les sanctions contre la Russie, se contente-t-il de dire.
Extension d'une initiative prévue au WEF
De même, il n'en ajoutera pas beaucoup plus sur l'intérêt de la candidature suisse pour un siège non permanent au Conseil de sécurité de l'ONU, dont l'élection aura lieu le 9 juin à New York. Mais un pays avec la "réputation" de la Suisse peut avoir un rôle positif dans l'organe exécutif, affirme-t-il toutefois.
M. Kerry est également venu à Davos pour annoncer mercredi une extension de la coalition d'entreprises, lancée il y a quelques mois dans le cadre du WEF, pour étendre la demande en technologies vertes. Selon les estimations, ce marché va atteindre plus de 50 milliards de dollars (environ 47 milliards de francs) dans la prochaine décennie. Parmi les participants à l'initiative figure le cimentier zurichois LafargeHolcim. L'augmentation du dispositif mercredi "sera une étape significative", estime aussi l'émissaire américain, sans pouvoir toutefois en dire davantage.

L'isolement de la Russie
Quelle est la prochaine étape pour la Russie et quels seront les impacts plus larges de son isolement sur l'économie mondiale?
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— World Economic Forum (@wef) May 23, 2022
La Conférence de Lugano très attendue
Ignazio Cassis et Volodymyr Zelensky attendent beaucoup de la conférence de Lugano sur l'Ukraine en juillet. "J'espère que nos pays partenaires et les grandes entreprises du monde pourront faire leurs propres propositions" lors de ce rendez-vous, prévu les 4 et 5 juillet. Il a aussi appelé tous les acteurs à prendre part à la reconstruction de son pays.
Le président de la Confédération a lui affirmé que 40 Etats et 18 organisations internationales ont été invités au Tessin. Cette conférence devra être celle du "lancement international de la reconstruction de l'Ukraine", a-t-il affirmé.
Tous les acteurs qui pourraient oeuvrer à l'objectif de reconstruire l'Ukraine se retrouveront en Suisse "pour la première fois". "Les guerres ont toujours leurs conséquences" et "il serait impardonnable d'attendre davantage", a affirmé le président de la Confédération.
Le président ukrainien a appelé la Suisse à oeuvrer avec d'autres à un corridor pour exporter le blé ukrainien. Dans le cas contraire, "la pénurie aura des effets" sur de nombreuses régions. Et elle viendra s'ajouter à la crise énergétique observée ces derniers mois.
Zelensky appelle à un embargo énergétique et commercial total contre la Russie
Le président Volodymyr Zelensky est le premier dirigeant étranger à s'exprimer devant les participants lundi à 11h15, par visioconférence depuis Kiev. Face à un millier de dirigeants politiques et économiques, Volodymyr Zelensky a rappelé que l’Ukraine manque de temps. «Le monde doit être uni face à cette menace et à la guerre initiée par la Russie. Ne perdez pas ce sentiment d’unité, sentiment que les autorités russes craignent.» Il demande également davantage de sanctions contre la Russie. “Elles devraient être maximales; ce n’est pas encore le cas. Toutes les banques russes doivent être bloquées, l'embargo pétrolier est également nécessaire et il ne doit plus y avoir d'accords avec la Russie", exige énergiquement Zelensky. "Toutes les entreprises qui abandonnent leurs activités en Russie se verront offrir la possibilité d'opérer en Ukraine". Le président demande également plus d'armes et appelle chacun à participer au fonds de reconstruction mis en place via une plateforme collaborative mondiale. Plus largement, il s'est dit favorable à un dispositif "United 2024" qui réunirait des pays prêts à aider rapidement tout Etat victime d'un désastre ou d'une agression. Une sorte de cadre pour "de nouvelles garanties de sécurité mondiales".
“Nos ports sont bloqués par la Russie. Il faut ouvrir un corridor pour exporter nos céréales” pour éviter “une continuation de la crise de l’énergie” en Asie, en Afrique. V.Zelenksy @Davos @wef #WEF22 @Ageficom #famine pic.twitter.com/edQCQvRviK
— Frédéric Lelièvre (@FjLelievre) May 23, 2022
Standing ovation pour @ZelenskyyUa, avant qu'il ne décrive son rêve: que l'Ukraine redevienne une nation sûre et attirante pour le reste du monde #WEF22 @ProfKlausSchwab @Ageficom pic.twitter.com/uwSjopYVwP
— Sophie Marenne (@SoMaReine) May 23, 2022
Ignazio Cassis:«La neutralité ne signifie pas rester passif et à l'écart»
Ignazio Cassis a ouvert l'édition 2022 du WEF. "La population veut croire que rien ne changera. C'est un faux sentiment de sécurité qui nous incite à sous-estimer notre propre fragilité. Ceux qui croient à la constance des facteurs de succès ont tendance à négliger les risques liés à la soif de pouvoir, du protectionnisme et du nationalisme", a souligné le président de la Confédération.
Ignazio Cassis revient sur la position de la Suisse par rapport à la guerre en Ukraine, qui a surpris beaucoup de monde. Qu'est-ce qui a motivé cette décision? "La démocratie doit l'emporter sur la tyrannie, l'autodétermination sur l'oppression. Aucune neutralité n'est de mise dans ces circonstances", a précisé le président, qui considère que rester passif veut dire tolérer l'agresseur. "La neutralité ne signifie pas rester passif et à l'écart. La Suisse incarne une neutralité coopérative".
Ignazio Cassis veut faire de la conférence de Lugano en juillet "le lancement international de la reconstruction de l'Ukraine". Au début du WEF lundi à Davos (GR), le président de la Confédération a dit que 40 Etats et 18 organisations internationales ont été invités.
Tous les acteurs qui pourraient oeuvrer à l'objectif de reconstruire l'Ukraine se retrouveront en Suisse "pour la première fois", s'est félicité M. Cassis dans son discours d'ouverture du Forum économique mondial (WEF). "Les guerres ont toujours leurs conséquences" et "il serait impardonnable d'attendre davantage", a-t-il ajouté.
Appel à "renforcer un multilatéralisme ciblé" pour éviter une "mondialisation sectorielle" et les risques de "polarisation" et de perte de prospérité qu'elle fait courir, par @ignaziocassis #WEF22 @Ageficom
— Frédéric Lelièvre (@FjLelievre) May 23, 2022
Lundi matin, après son discours d'ouverture, Ignazio Cassis rencontre le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kuleba, à quelques semaines de la conférence sur le relèvement de l'Ukraine organisée en Suisse. Il doit également voir le président du gouvernement espagnol Pedro Sanchez.
🎥#swissgovwef22 LIVE l Today, 10.45 am: #SwissPresident @ignaziocassis opens the World Economic Forum Annual Meeting in Davos: https://t.co/ImzDI8HeCa (BK) #wef22 @wef
— André Simonazzi (@BR_Sprecher) May 23, 2022
Une maison des crimes de guerres russes
Dans le sillage des sanctions occidentales contre la Russie, le WEF a exclu cette année les Russes, qui représentent habituellement un gros contingent de participants.
Et la "maison russe" des éditions précédentes a cédé la place à une "maison des crimes de guerres russes", où seront organisés divers événements de soutien avec des personnalités ukrainiennes.

Also with countries such as #India and #saudiarabia; #houseofrussia has been taken over by #ukraine… The war is high on @wef #DAVOS22 agenda. Starting on Monday. Follow us on @Ageficom pic.twitter.com/1TGoStich9
— Frédéric Lelièvre (@FjLelievre) May 22, 2022
Comment réduire sa dépendance aux énergies russes
Le panel Energy Outlook: Overcoming the Crisis a également pris place ce lundi matin. Il traite de la réduction de la dépendance des gouvernements et des entreprises à l'égard de l'énergie russe. Et précise les priorités. Vous pouvez regarder la conférence en livestream ici: https://wef.ch/3Gccs9r
"Nous avançons à la vitesse de la lumière, ce qui prenait des décennies est fait en quelques mois", assure le ministre allemand Robert #Habeck, au sujet de la diversification des sources d'énergie lors du panel Energy Outlook: Overcoming the Crisis #WEF22 @Ageficom @wef_fr pic.twitter.com/6IFcULFDWQ
— Sophie Marenne (@SoMaReine) May 23, 2022
Berne et Berlin vont négocier un accord de solidarité sur le gaz
La Suisse et l'Allemagne veulent s'aider face aux crises énergétiques comme la situation ukrainienne. Elles vont négocier un accord de solidarité pour les urgences. Le vice-chancelier allemand Robert Habeck va aussi aborder à Bruxelles les réflexions suisses sur l'UE.
"Nous ne pouvons savoir combien de temps il faudra" pour aboutir à l'accord de solidarité, a affirmé dimanche soir à la presse la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, au terme de sa rencontre avec son homologue allemand en marge du Forum économique mondial (WEF)à Davos (GR). "Mais la volonté est là" pour une solution pragmatique.
Les conditions légales existent en Suisse pour un tel accord. Actuellement, la Suisse dépend du gaz russe à environ 40% pour les ménages, au travers notamment de son approvisionnement depuis l'Allemagne. Le Conseil fédéral a affirmé cette semaine vouloir renforcer les réserves alternatives au gaz russe dès l'hiver prochain, auprès de pays comme la France, l'Allemagne, l'Italie et les Pays-Bas.
Or, l'Allemagne, qui dépend largement du gaz russe, vient de signer un immense partenariat avec le Qatar. Une partie de ce dispositif prévoit de pouvoir acheter du gaz liquéfié. "Les entreprises suisses pourront demander à être associées", dit M. Habeck. Selon lui, dans un environnement de tensions, notamment après le Brexit, il faut savoir s'aider entre pays amis.
Plus largement, les deux pays ont établi chacun un mécanisme de sauvetage en raison des fortes fluctuations de prix de l'électricité. Mme Sommaruga a souligné que la Suisse devrait être associée aux travaux sur cette question entre pays européens. Le pays peut offrir une solution à son voisin en cas de problèmes d'approvisionnement, selon elle et son collègue Guy Parmelin, également présent.
Suisse-UE
Les deux pays veulent aussi avancer sur le blocage entre la Suisse et l'UE. M. Habeck rencontrera la semaine prochaine le commissaire européen en charge des institutions, Maros Sefcovic. Il a promis de faire des "propositions concrètes" pour éviter des conséquences économiques importantes.
"La situation de notre côté est encore insatisfaisante", a affirmé M. Parmelin. Surtout pour les effets sur des questions qui ne sont pas liées à l'accès au marché, encore selon lui. Et de mentionner les technologies médicales, mais aussi le dispositif de recherche Horizon notamment.
Une situation qui ne plaît pas non plus au ministre allemand, qui n'a toutefois pas dévoilé les propositions qu'il relaierait à Bruxelles. Mais il estime "dans l'intérêt" des deux parties d'aboutir à une systématisation des quelque 120 accords bilatéraux existants ou d'aboutir à un accord cadre. Côté suisse, les conseillers fédéraux estiment que leurs explications ont été écoutées par le ministre allemand.

La Commission européenne a envoyé récemment une liste de questions à la Suisse, dont elle attend des réponses pour avancer dans les discussions. Symptomatique de cette situation incertaine, aucune rencontre n'est pour le moment prévue entre le président de la Confédération et la présidente de l'exécutif européen Ursula von der Leyen, contrairement à l'approche habituelle à Davos.
Divergences sur les munitions
Pour autant, tout n'est pas non plus au beau fixe entre Berne et Berlin. Le gouvernement allemand souhaiterait pouvoir acheminer en Ukraine des munitions suisses qu'elle a achetées, une approche répétée dimanche soir par le ministre de l'économie et de l'énergie. Ce scénario avait provoqué il y a quelques semaines une controverse entre les deux pays.('AGEFI avec AWP)
Le WEF se prépare à entrer dans le métavers
L'avenir du Forum économique mondial (WEF) de Davos passera également par le virtuel, promet son fondateur Klaus Schwab. Il prévoit de créer un village global pour la coopération dans un monde numérique parallèle.
Le WEF collabore sur ce projet numérique avec le groupe informatique américain Microsoft, la société de conseil Accenture et différentes organisations internationales. Ce village global doit devenir la première utilisation du métavers avec un véritable objectif, selon lui.(AWP)