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Une nouvelle traque fiscale américaine contre les banques suisses promise à l’échec

De nouveau au pouvoir, les démocrates sont appelés à chasser les avoirs non taxés plus que ne l’a fait l’administration Trump. Des avocats suisses doutent du potentiel d’une telle politique.

Bradley Birkenfeld, l'ancien banquier lanceur d'alerte d'UBS, symbolise la charge menée par le fisc américain contre la Suisse. Ses anciens avocats espèrent réitérer leur coup.
Keystone
Bradley Birkenfeld, l'ancien banquier lanceur d'alerte d'UBS, symbolise la charge menée par le fisc américain contre la Suisse. Ses anciens avocats espèrent réitérer leur coup.
19 janvier 2021, 17h26
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Ce mercredi, Joe Biden deviendra le nouveau président des Etats-Unis. Le retour au pouvoir des Démocrates rappelle une période particulièrement difficile pour les banques et toute la place financière suisse. Les révélations d’avoirs non déclarés au fisc chez UBS par Bradley Birkenfeld avait conduit à l’établissement d’un programme américain forçant à la régularisation de toute la clientèle américaine. Les 80 banques classées en catégorie 2 ont versé des amendes de 1,36 milliard de dollars. Les deux grandes banques ont payé 3,3 milliards de dollars. L’autorité fiscale américaine IRS affirme en outre avoir pu récolter au total plus de 8 milliards en impôts, intérêts et amendes.

La place financière risque-t-elle de revivre des drames similaires avec l’IRS? Deux avocats de Bradley Birkenfeld se sont déjà mis en position pour suggérer que les donneurs d’alerte (whistleblowers) devraient dorénavant être mieux récompensés. L’un d’eux souligne aussi qu’une nouvelle loi protégeant davantage les lanceurs d’alerte est en passe d’être adoptée, et synonyme de potentielles sources de revenus pour ces juristes.


La finance à nouveau dans le viseur des Démocrates

Pour l’avocat Shelby Du Pasquier du cabinet Lenz & Staehelin, un changement de priorités est indéniable: «l’administration Trump s’était concentrée sur l’immigration et le combat contre les opioïdes, ainsi que les sanctions. Les Démocrates vont probablement remettre une couche sur le secteur financier en général.»

Le fondateur de White Lighthouse Investment Management Jonathan Lachowitz, qui a des bureaux à Lausanne et aux Etats-Unis, assure cependant que “si l’IRS se lançait dans une nouvelle opération, elle ne trouverait probablement que très peu de comptes non déclarés auprès de banques suisses”.

La prudence de ces dernières est l’une des principales raisons pour cette situation différente par rapport à celle d’il y a douze ans: “Beaucoup de banques suisses choisissent toujours de ne pas travailler avec des clients américains du tout. Pour celles qui les acceptent, leurs procédures de mise en conformité révèlent qu’elles sont extrêmement prudentes, afin de garantir que les clients déclarent effectivement leur revenu et leurs comptes. Elles demandent plus d’informations que ce dont elles auraient besoin. Aujourd’hui comme hier, l’IRS peut trouver plus d’avoirs non déclarés au sein des Etats-Unis qu’outre-Mer “, insiste Jonathan Lachowitz, dont la planification financière est une des spécialités.

Le programme américain limite fortement le potentiel

Autre élément essentiel, le processus de régularisation forcée inhérent au programme américain. Il limite fortement le potentiel lié à la découverte d’autres avoirs non déclarés. L’avocat genevois Douglas Hornung, bien connu en tant que défenseur des droits des employés dans le cadre du programme américain de régularisation, constate que «l’administration américaine a déjà tout ce qu’il lui faut. Lorsque les informations en sa possession ne lui paraissent pas suffisantes, elle fait des demandes d’entraide. Comme en décembre 2020, où l’Administration fédérale des contributions (AFC) a publié des demandes concernant 13 banques. Par conséquent, ces procédures se poursuivent, pas besoin d’attendre un président Biden pour cela.»

En ce qui concerne ces demandes, il poursuit son combat pour les droits de recours et de notification de collaborateurs des banques. «En 2020, le Tribunal fédéral a confirmé que l’administration n’a pas le droit de transmettre des informations sans accorder le droit d’opposition », se réjouit-il.

Le seul petit relâchement potentiel qu’a perçu Douglas Hornung pendant l’ère Trump est lié à la réduction des effectifs de l’IRS. Mais pour l’essentiel, «la pression faite par l’administration précédente a payé. Ce n’est plus qu’une question d’exécution plus ou moins rapide», poursuit l’avocat. Selon lui, cela limite au moins le danger qui pourrait provenir des lanceurs d’alerte «il n’y en a plus besoin», souligne-t-il.

L’avocat Shelby Du Pasquier partage cette impression de continuité. Il constate que les dossiers sont suivis par du personnel de carrière, qui est donc apolitique: «au sein de l’IRS ou du Department of Justice, j’ai affaire aux mêmes personnes depuis environ dix ans.»

Fatca crée beaucoup de problèmes pour les doubles nationaux

L’application de la réglementation Fatca, (Loi sur la mise en conformité fiscale de comptes à l’étranger), en vigueur depuis 2014, crée néanmoins de nouveaux problèmes, surtout au niveau des clients. Shelby Du Pasquier relève que «dans ce contexte, les clients ont l’obligation de donner leur consentement à la transmission de données aux autorités américaines. Sinon, ils sont considérés récalcitrants.

Le cas des «Américains Accidentels», qui n’ont qu’un lien ténu avec les Etats-Unis et n’y résident pas, est révélateur de la situation. Ils se plaignent de ne pas pouvoir être acceptés par les banques, pour lesquelles les coûts induits n’en valent pas la peine, en tout cas pour la clientèle de détail. Beaucoup de doubles nationaux ont ainsi renoncé à leur passeport américain, en raison des tracasseries administratives qu’il engendre.»