Accepter l’accord de libre-échange avec l’Indonésie entraînerait une concurrence déloyale pour la production locale d’huile de colza et de tournesol, selon le comité référendaire. Pourtant l’Union suisse des paysans (USP) ne s’oppose pas à ce texte. Explications avec son responsable marché et écologie, Michel Darbellay.
Pour le Valaisan, il s’agit d’abord d’une question de cohérence. «Depuis plusieurs années, nous nous engageons pour un accord qui ne compromette pas notre agriculture et nous avons été entendus. Nous ne voulions pas un marché qui ouvre grand la porte à l’importation d’huile de palme à bas prix. La ligne rouge n’a pas été franchie», déclare-t-il. Les importations sont en effet limitées dans le cadre de cet accord. Et les droits de douanes ne sont pas abolis mais réduits. Une clause de sauvegarde peut aussi suspendre les concessions accordées, en cas de pression inattendue sur le prix des oléagineux helvétiques.
«Si nous disons non, la situation restera opaque»
De plus, l’accord représente un progrès, aux yeux de Michel Darbellay, car il intègre une composante de durabilité. Pour bénéficier de la réduction douanière, l’huile de palme devra en effet posséder le label de la Table ronde sur l'huile de palme durable (RSPO). Conscient que cette certification n’est pas en mesure de sauver toute la déforestation et de corriger tous les problèmes de droits humains, le responsable marché à l’USP estime toutefois qu’avec cet accord, une partie des importations sera davantage respectueuse de la planète et de ses habitants.
«Comme pour beaucoup d’initiatives et de référendums, le titre Stop huile de palme s’avèrepar ailleurs trompeur. En effet, avec ou sans accord, les importations d’huile de palme se poursuivront et les effets collatéraux également. Si nous disons non à cet accord, la situation restera opaque. En 2019, plus de 20.000 tonnes ont été importées, sans cet accord», précise-t-il.
La traçabilité ne peut jamais être totale pour les produits élaborés en dehors de la Suisse. Le Valaisan le reconnaît. Toutefois, l’huile de palme devra être livrée avec un certificat d’origine par conteneurs de 22 tonnes. Cela précisément dans le but de mieux contrôler la provenance du produit.
Une équation à somme nulle
La certification exigée induira aussi des coûts, ce qui devrait faire gonfler la facture, en dépit des baisses douanières. «De ce fait, l’huile de palme arrivera en Suisse quasiment au même prix que sans accord», calcule le responsable marché.
Le conseiller national UDC et agriculteur, Jean-Pierre Grin, se montre quant à lui très partagé sur ce vote. «Globalement, le Conseil fédéral a bien négocié. Cet accord fixe des cautèles en termes de durabilité et de quotas d’importation», abonde l’élu vaudois. Et de rappeler que l’huile de palme en provenance d’Indonésie représente 1% des importations totales de ce produit.
«Je ne peux toutefois pas applaudir des deux mains. Avec des normes de production suisses plus sévères, il est bien de mettre la pression. Il faut aussi rester critiques vis-à-vis de cette huile souvent extraite de manière non durable et à large échelle», poursuit le conseiller national. Ce dernier n’a cependant pas signé le référendum. Il préfère miser sur un étiquetage transparent des denrées alimentaires qui mentionne la provenance des huiles.
«Il existe une certaine aversion de la part des consommateurs vis-à-vis de l’huile de palme. Ce n’est pas le meilleur produit pour la santé. Reste qu’il s’avère très utilisé dans l’industrie car meilleur marché», déplore l’agriculteur.
Capacités locales limitées
Selon l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG), l’huile de palme est la deuxième huile comestible la plus importée après celle de tournesol. Environ 25.000 tonnes pour un montant global de 27 millions de francs ont été écoulées sur sol helvétique en 2018, ce qui représente une part de 22%. La majorité de cette huile provient de Malaisie.
Michel Darbellay précise que les capacités de production d’huile en Suisse ne sont pas illimitées. Aujourd’hui, les huiles et graisses helvétiques représentent 41% de la consommation totale. «Notre position n’est pas de se faire l’avocat de l’huile de palme, au contraire. Effectivement, l’huile de palme est plus que discutable pour la santé. Consommons de l’huile de colza suisse riche en omega-3», s’exclame-t-il.
Et le responsable marché et écologie de l’USP ajoute que les consommateurs ne doivent pas se gêner de faire pression sur l’industrie pour exiger le renoncement à l’huile de palme. «Mais comme dit précédemment, même si l’accord échoue, les importations se poursuivront. L'accord ne modifie pas les volumes d'importation». La polémique autour de l’huile de palme a d’ailleurs eu pour effet de susciter une forte demande en huile de colza suisse, soit 20% de plus ces dernières années.

«L’accord profitera aussi aux PME»
L’Indonésie ne représente pas un grand débouché pour l’agriculture helvétique, à l’exception du fromage. Les produits pharmaceutiques, les montres et la machine-outil sont davantage écoulés dans ce pays aux 276 millions d’habitants. Pour le conseiller national PLR Laurent Wehrli, l’accord commercial profitera non seulement aux grandes entreprises mais aussi aux PME, grâce à l’abaissement des taxes douanières. Aujourd’hui, certains produits suisses sont taxés à hauteur de 50%. «Comme partenaire économique, l’Indonésie gagnera également en importance. Elle sera bientôt la cinquième puissance d’Asie», indique-t-il.