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Multinationales responsables: pour s’y retrouver dans cette jungle juridique

Les Suisses doivent se prononcer le 29 novembre sur l'initiative populaire «multinationales responsables». En cas de rejet, le contre-projet proposé par le Parlement entrera en vigueur. L’Agefi dresse un tableau comparatif pour y voir plus clair dans cette jungle juridique.

lias Panchard, coordinateur de la campagne pour l’initiative en Suisse romande et Nathalie Hardyn, directrice du département politique de la Chambre de commerce de Genève (CCIG) qui s’oppose au texte, ont vérifié les données de ce tableau.
lias Panchard, coordinateur de la campagne pour l’initiative en Suisse romande et Nathalie Hardyn, directrice du département politique de la Chambre de commerce de Genève (CCIG) qui s’oppose au texte, ont vérifié les données de ce tableau.
08 octobre 2020, 21h05
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Dimanche 29 novembre, les Suisses sont appelés à voter sur l’initiative populaire «Entreprises responsables – pour protéger l’être humain et l’environnement» qui vise à imposer de nouvelles obligations légales plus strictes aux entreprises suisses actives à l’étranger. Le Parlement estime lui que l’initiative va trop loin en ce qui concerne la responsabilité. Il a donc élaboré un contre-projet indirect, qui est également soutenu par le Conseil fédéral.  Afin de s’y retrouver dans cette jungle juridique, l’Agefi dresse un tableau comparatif entre l’initiative et le contre-projet proposé par le Parlement. Ilias Panchard, coordinateur de la campagne pour l’initiative en Suisse romande et Nathalie Hardyn, directrice du département politique de la Chambre de commerce de Genève (CCIG) qui s’oppose au texte, ont vérifié les données de ce tableau.  Si l’initiative populaire passe, les entreprises devront en particulier vérifier que leurs filiales, leurs fournisseurs et leurs partenaires commerciaux respectent les droits de l’homme et les normes environnementales. Le cas échéant, elles devront prendre des mesures pour corriger les infractions. Elles pourraient par ailleurs devoir répondre des infractions commises par leurs filiales et les entreprises qu’elles contrôlent. Toutes les entreprises seraient jugées par des tribunaux suisses, conformément au droit suisse.  De son côté, le Parlement poursuit le même but que l’initiative : il prévoit de nouvelles obligations pour les entreprises, qui devraient mieux rendre compte de leurs activités et faire preuve de diligence. Elles auraient donc, de par la loi, une obligation de transparence.  Contrairement à l’initiative, les nouvelles règles prévues par le contre-projet seraient coordonnées au niveau international. Les filiales et les fournisseurs en état de dépendance économique continueraient de répondre seuls des dommages causés, conformément au droit du pays où l’infraction a été commise. En revanche, le contre-projet prévoit une disposition pénale, en vertu de laquelle le non-respect des nouvelles obligations sera punissable d’une amende allant jusqu’à 100.000 francs.  Le contre-projet entrera en vigueur si l’initiative est rejetée le 29 novembre prochain et qu’il ne fait pas l’objet d’une demande de référendum. En cas de référendum, le contre-projet sera soumis au vote du peuple. 

Glossaire

Le contre-projet indirect:
En réponse à l’initiative, le Parlement ne propose pas de modification de la Constitution, mais une nouvelle loi ou une modification d’une loi déjà existante. Le contre-projet indirect permet de proposer une alternative à une initiative sans modifier directement la Constitution. Le contre-projet indirect entre en vigueur si l’initiative est retirée ou refusée en votation, explique la chancellerie fédérale sur son site internet www.ch.ch  Devoir de diligence :  Il s'agit de processus par lesquels les entreprises déterminent, préviennent, atténuent et rendent compte de la manière dont elles traitent leurs effets négatifs réels et potentiels, comme l’explique notamment l’Union européenne.  Le devoir de diligence concernant la chaîne d'approvisionnement est un processus continu, proactif et réactif par lequel les entreprises surveillent et administrent leurs achats et leurs ventes afin de s'assurer qu'elles ne contribuent pas aux conflits ou à des effets néfastes connexes. 

Chez nos voisins européens

France: le début d'un processus Adoptée en 2017, la loi sur le devoir de vigilance oblige les sociétés dont le siège social se trouve sur le territoire français et qui emploient au moins cinq-mille salariés ou au moins dix-mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est en France ou à l’étranger, à publier un plan de vigilance qui pourrait résulter de leurs activités et de celles de leurs filiales, fournisseurs et sous-traitants. Le plan comporte les mesures propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement. Dans le cas où une société ne parvient pas à établir, publier ou mettre en œuvre de façon effective un tel plan, un juge peut la mettre en demeure de respecter ses obligations. Si elle ne respecte toujours pas ses obligations à l’issue d’une période de trois mois à compter de la mise en demeure, le juge pourra l’enjoindre de les respecter par une condamnation pécuniaire. Plus de trois ans après le vote de la loi relative au devoir de vigilance, deux organisations non gouvernementales (ONG) dressent un bilan peu honorable : 27% des 265 entreprises recensées n’ont toujours pas publié de plan de vigilance au cours des trois dernières années. Parmi les 72 mauvais élèves recensés, McDonald's France, KPMG, Yves Rocher, Castorama ou Eurodisney, selon le dernier rapport des deux ONG CCFD-Terre Solidaire et Sherpa. Grande-Bretagne: le risque d’une amende sans limite En 2015, le gouvernement britannique a adopté la clause sur la transparence dans la chaîne d’approvisionnement de la loi «contre l’esclavage moderne» (Modern Slavery Act). Elle oblige les sociétés domiciliées – ou qui font des affaires – au Royaume-Uni  ayant un chiffre d’affaires annuel de 36 millions de livres sterling (43 millions de francs) et plus de rendre public les mesures qu’elles ont adoptées pour combattre cet esclavage dans leurs chaînes d’approvisionnement.  Elles doivent publier une déclaration annuelle sur la méthodologie employée pour contrôler cette chaîne dans le but de vérifier s’il y a un risque que puissent se développer des pratiques d’esclavage ou de traite de personnes. Le non-respect de cette obligation est passible d’une amende d’un montant illimité. Le Modern Slavery Act britannique présente un domaine d’intervention plus restreint – puisqu’il ne concerne que les risques liés à l’esclavage et à la traite des personnes – que le devoir de vigilance français. Union européenne (UE): nouvelles règles pour l’importation de minerais En mars 2017, après plusieurs années de négociations et de plaidoyer des organisations de la société civile, l’Union européenne (UE) s’attaquait enfin au problème des minerais de conflits en adoptant un règlement. Ce règlement a pour but d’encadrer l’importation au sein de l’UE de quatre minerais précis : l’étain, le tantale, le tungstène et l’or. Selon ces nouvelles règles, les entreprises présentes sur le territoire de l’UE devront, à partir du 1er janvier 2021, mettre en œuvre leur « devoir de diligence». Elles devront donc vérifier que les minerais dont elles s’approvisionnent n’ont pas été produits de manière à financer des conflits ou d’autres activités illicites.

Le poids des multinationales dans l’économie suisse

Les multinationales assuraient l'emploi direct d'environ 1,4 million de personnes, soit environ un emploi sur quatre dans le pays en 2018 et elles ont généré plus du tiers du PIB national cette année-làselon l’Office fédéral de la statistique.  Sur son site internet, le Groupement des Entreprises Multinationale (GEM) indique que les multinationales étrangères et suisses sont responsables de 76.000 emplois directs dans le canton de Genève et 88.000 dans le canton de Vaud. Le GEM estime que les multinationales contribuent à plus de 40% du PIB des cantons de Genève et de Vaud.