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Matériel de guerre: la BNS veut conserver sa liberté d’action

Pour la Banque nationale suisse, l’initiative contre le commerce de guerre restreint trop sa politique de placement, à l’heure où elle interdit déjà certains investissements dans l’armement.

Le Conseil fédéral relève aussi que les investissements des caisses de pension et de la BNS dans les producteurs de matériel de guerre étrangers sont insuffisants pour avoir un impact mondial. (Keystone)
Le Conseil fédéral relève aussi que les investissements des caisses de pension et de la BNS dans les producteurs de matériel de guerre étrangers sont insuffisants pour avoir un impact mondial. (Keystone)
13 octobre 2020, 17h37
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La Banque nationale suisse (BNS) craint une perte de liberté d’action si l’initiative pour une interdiction du financement des producteurs de matériel de guerre devait être acceptée par le peuple le 29 novembre. Lancé par le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) et les Jeunes Verts, le texte interdit à l’institut d’émission, aux fondations ainsi qu’aux institutions de prévoyance publique et professionnelle de financer les producteurs de matériel de guerre. Sont réputées fabricants de matériel de guerre les entreprises dont plus de 5% du chiffre d’affaires annuel provient de ce segment.   Sollicitée pour une interview, la BNS nous a répondu par écrit qu’elle portait un jugement critique sur les restrictions de la politique de placement prévues par l’initiative et qu’elle partageait l’avis du Conseil fédéral, opposé à ce projet. Pour le gouvernement, la règle des 5% rend plus difficile pour la banque centrale, les caisses de pension et l’AVS/AI d’investir dans des produits tels que les fonds traditionnels et ceux négociés en Bourse.  

Faible impact mondial 

Le Conseil fédéral relève aussi que les investissements des caisses de pension et de la BNS dans les producteurs de matériel de guerre étrangers sont insuffisants pour avoir un impact mondial. L’institut d’émission détient tout au plus 0,4% des parts d’une société. Et s’il devait s’en défaire, cela n’aurait aucune influence sur l’entreprise et sa production car les parts en question seraient immédiatement reprises par d’autres investisseurs.  Combien d’argent la BNS investit-elle au total dans les producteurs de matériel de guerre? Impossible de répondre à cette question puisqu’elle ne commente pas le détail de ses investissements. Des chiffres existent toutefois pour les Etats-Unis. Selon l’organisme américain de contrôle des marchés financiers (SEC), la banque centrale a investi 2,4 milliards de dollars dans des sociétés étatsuniennes d’armement en 2019.   L’institut d’émission rappelle qu’il s’abstient d’acheter des actions de producteurs d’armes condamnées sur le plan international. Cela concerne les armes biologiques, chimiques, à sous-munitions et les mines antipersonnel. La Banque nationale n’acquiert pas non plus de titres de sociétés impliquées dans la fabrication d’armes nucléaires pour d’autres pays que les cinq puissances nucléaires légitimes, selon le traité des Nations Unies sur la non-prolifération des armes nucléaires. Aux yeux de la BNS, l’initiative va nettement plus loin que cette approche déjà restrictive.  

«Pas un poids énorme» 

Pour Thomas Bruchez du comité d’initiative, la banque centrale peut et doit au contraire aller plus loin. «L’armement ne revêt pas un poids énorme dans ses portefeuilles», déclare-t-il. Si le membre du comité d’initiative concède que les frais de gestion de la BNS pourraient augmenter du fait d’un examen plus poussé de ses placements, il estime pour sa part que ces dépenses seront largement compensées du fait de meilleurs rendements des placements durables qui excluent les entreprises d’armement. Et de faire remarquer que l’institut d’émission doit déjà effectuer une analyse au niveau de ses investissements interdits comme par exemple dans les armes chimiques.   «Il n’y aura par ailleurs pas moins de rentabilité». Thomas Bruchez en est persuadé. «En 2019, si les caisses de pension avaient investi uniquement dans des fonds durables, elles auraient dans leurs coffres 9 milliards de francs de plus. Et la résistance au risque est aussi meilleure dans ces fonds», souligne-t-il.