En nommant une nouvelle secrétaire d’Etat, le Conseil fédéral veut donner un signal fort à l’Union européenne. La diplomate désormais chargée des relations avec l’UE, Livia Leu, reprend un dossier sur lequel quatre de ses prédécesseurs se sont déjà cassés les dents: l’accord-cadre. Elle aura pour tâche de faire entendre la voix de la Suisse à l’heure où Bruxelles martèle qu’il n’y a pas de renégociation possible sur cet objet.
L’exécutif européen se dit toutefois prêt à apporter des clarifications sur les trois points qui posent problème à Berne: les mesures d’accompagnement qui protègent les salaires, les aides publiques et la directive sur la citoyenneté qui étend le droit des Européens aux prestations sociales.
Changement de coureur dans le sprint final
Livia Leu hérite d’un accord négocié par Roberto Balzaretti dont elle reprend le poste. En échange, le Tessinois récupère ses fonctions d’ambassadrice de Suisse à Paris.
Le ministre des Affaires étrangères, Ignazio Cassis, a justifié mercredi ce changement par la nécessité de montrer une nouvelle tête à Bruxelles en cette période de dernière phase de négociation. «Pour parvenir au bout du chemin, il faut une réorganisation», déclare le conseiller fédéral. Ce dernier a en effet complètement revu la structure de fonctionnement de son département. Dès l’an prochain, tous les pays et institutions européens relèveront de la compétence de la nouvelle secrétaire d’Etat et de son équipe. Et, en plus du dossier européen, la diplomate aura la charge de l’ensemble de la politique internationale.
Aux yeux du gouvernement, même si elle touche à sa fin, la négociation de l’accord cadre n’est pas terminée. Le Conseil fédéral est en train de finaliser les détails de sa position qui sera envoyée à Bruxelles ces prochaines semaines. En juin 2019, il a refusé de signer cet accord en raison des trois points controversés. Depuis, ce dossier est au point mort, alors que les milieux patronaux exhortent Berne à reprendre immédiatement le dialogue avec l’UE.
Pas de plan pandémie européen
«Le Conseil fédéral a toujours voulu étendre et consolider la voie bilatérale», se défend Ignazio Cassis. Selon lui, une érosion de cette voie n’est pas souhaitable. «Elle présente des effets négatifs sur les investissements en Suisse et sur les possibilités d’accéder au marché européen. Elle peut aussi avoir des conséquences sur la recherche», poursuit le Tessinois. Comme l’accord-cadre n’est pas adopté, Berne ne peut pas non plus, par exemple, signer celui portant sur la pandémie. Toutes les négociations avec Bruxelles se trouvent en effet bloquées.
Encore une marge de manœuvre
L’accord-cadre est sur la table des discussions depuis sept ans. «Ce n’est pas une thématique facile», concède le ministre des Affaires étrangères. «Il faut en effet aimer les défis pour reprendre ce poste», ajoute Livia Leu. D’après celle qui exerce dans la diplomatie depuis trente ans, il existe cependant une marge de manœuvre dans les négociations avec Bruxelles surtout si l’on fait preuve de créativité.
En l’état, l’accord-cadre n’a aucune chance de passer la rampe devant le peuple. La gauche n’en veut pas car il met en péril la protection salariale. L’UDC s’oppose, elle, à ce texte pour des questions de souveraineté. Elle craint une ingérence des juges étrangers du fait de la mise sur pied d’un tribunal arbitral. Composé de juges suisses et européens, ce tribunal est chargé de régler les divergences d’opinion sur l’interprétation ou la mise en œuvre d’un traité entrant dans le champ d’application de l’accord-cadre.