«Le programme d’Operation Warp Speed n’a rien à avoir avec de la politique»

Moncef Slaoui, d’origine marocaine, a fait carrière dans la pharma. Il a passé un MBA accéléré à l’IMD et a accumulé trente années d’expérience chez le géant pharmaceutique britannique GlaxoSmithKline (GSK), où il a supervisé, jusqu’à sa retraite en 2017, l’élaboration de plus d’une dizaine de vaccins. Associé ensuite du fonds Medicxi, il a été nommé en mai 2020 par l’administration Trump pour diriger le programme Operation Warp Speed (OWS). Poste pour lequel il a dû démissionner de Medicxi et du Conseil d’administration de Moderna (où il siégeait depuis 2017), le laboratoire basé à Cambridge (Massachusetts), une des rares entités biotech dans la course mondiale au vaccin anti-Covid.  Début août, la Suisse a signé avec Moderna une précommande de 4,5 millions de doses du vaccin, qui sera en partie produite en Suisse par la société suisse Lonza, qui fabriquera les ingrédients pharmaceutiques actifs (IPA) et non le vaccin final. Berne discute aussi avec d’autres laboratoires, selon l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). Le Conseil fédéral a alloué une enveloppe de 300 millions de francs pour cette acquisition.  Sur les huit vaccins dans le portefeuille d’OWS, six ont été annoncés et des partenariats ont été conclus avec les sociétés Moderna et Pfitzer/BioNTech, AstraZeneca et Janssen, Novavax et Sanofi/GSK. L’industrie biotech a-t-elle ses chances? Nous avons soutenu six vaccins sur la base de la science et leur capacité de pouvoir progresser rapidement y inclus pour la production à une échelle industrielle. Les sociétés biotech n’ont pas la capacité de production industrielle dont disposent les grandes sociétés pharmaceutiques qui historiquement mettent au point les vaccins. Il est intéressant de noter cependant que deux des six programmes viennent de la biotech.  Le programme Operation Warp Speed que vous dirigez aura-t-il une influence dans la fixation des prix par les laboratoires dont le vaccin sera un succès? Operation Warp Speed n’a aucune influence concernant la fixation des prix de vente. En ce qui concerne la population des Etats-Unis, les vaccins seront gratuits.  Quel est le montant de l’enveloppe globale d’argent public dédié par l’administration américaine à ce programme Operation Warp Speed? Je ne peux pas répondre à cette question. Operation Warp Speed soutient financièrement la fabrication de vaccins qui n’ont pas encore fait leurs preuves (phase III en cours). Est-ce une première mondiale?  Chaque nouveau vaccin testé en phase 3 est évidemment un risque. Dans notre cas, le défi est de soutenir les six vaccins en parallèle avec les risques qui y sont liés, mais surtout de le faire aussi rapidement qu’humainement possible. Oui il s’agit d’une première mondiale.  En tant qu’expert dans la découverte des vaccins, trouvez-vous que ce programme se justifie scientifiquement ou est-ce purement une démarche électoraliste de Donald Trump?  Le programme d’Operation Warp Speed n’a rien à avoir avec de la politique car des centaines de milliers de personnes sont en train de mourir à cause de cette pandémie et l’économie mondiale est à l’arrêt. C’est pour aider le monde à contrôler cette pandémie que nous et des milliers d’autres travaillons nuit et jour... Je le répète: cela n’a absolument rien à avoir avec de la politique.  A combien estimez-vous les pertes en dollars si un seul vaccin s’avère être un succès et que les autres doses produites seront caduques?  Il est estimé que le confinement  coûte entre 22 et 25 milliards de dollars par jour à l’économie américaine et chacun de ces programmes de vaccins coûte entre 1 et 2 milliards de dollars. Avoir un vaccin est un investissement incroyablement important principalement d’un point de vue humain, mais aussi du point de vue du retour sur investissement.