Le Conseil fédéral veut revoir son plan de lutte contre le Covid-19. Il planche sur un mécanisme de fermetures graduel qui dépendrait de la situation sanitaire, soit le taux de reproduction du virus et la disponibilité des lits en soins intensifs. Il doit annoncer de nouvelles mesures vendredi.
Dans ce contexte, qu’en est-il de la mortalité? Selon Rolf Weitkunat, chef de la section santé de la population auprès de l’Office fédéral de la statistique (OFS), plus de personnes sont décédées à ce jour qu’au cours de ces dix dernières années à la même période de l’année.
Au 6 décembre, la Suisse comptait 67.310 décès, toutes causes confondues. Ce nombre est quasiment identique à celui de l’ensemble de l’année 2019 (67.780 morts) et 2015 (67.606). Il est toutefois plus élevé qu’en 2018, 2017, 2016, 2014 et 2013. Entre 2015 et 2019, la Suisse a enregistré 66.882 décès par an en moyenne, soit moins qu’actuellement. Pendant cette période, la taille de la population a aussi cru, de près de 300.000 résidents pour un total de 8,438 millions, selon l’OFS.

Aux quatre coins de la Suisse
Entre la première vague et la deuxième toujours en cours, il y a une différence au niveau de la mortalité. La première vague a généré 1700 décès contre 4300 au cours de la deuxième. Pour l’épidémiologiste et responsable de l’Institut de santé globale à Genève Antoine Flahault, ces chiffres ne sont pas étonnants et pas encore consolidés en raison de l’arrivée de l’hiver. La durée de la deuxième vague risque d’être par conséquent beaucoup plus longue que la première. «La mortalité de cette deuxième vague est déjà supérieure à celle survenue lors de la première. D’ici sept jours, nous prévoyons que la Suisse aura dépassé 6000 morts du Covid-19», déclare-t-il.
Autre différence par rapport à la situation de mars et d’avril: la pandémie touche désormais l’ensemble du territoire national. «Au printemps, c’était principalement le Tessin et quelques cantons romands qui se trouvaient les plus impactés», poursuit l’épidémiologiste. Et de craindre une surmortalité sur l’ensemble de l’année et dans tout le pays.
Le Covid-19 change-t-il la donne? «Il est trop tôt pour le dire»
Rolf Weitkunat, de l'OFS
65 ans et plus touchés
Pour déterminer s’il y a surmortalité, l’OFS se base sur une moyenne des décès pluriannuelle. Il en conclut que du 16 mars au 19 avril, une surmortalité a été observée en raison de la pandémie. «Entre le 30 mars et le 5 avril, par exemple, 39% de plus de personnes sont décédées que ce qui était normalement attendu», note-t-il. Cet été, la situation s’est stabilisée. Sur le premier semestre, comme nous le rapportions cet été, la Suisse a connu une situation de sous-mortalité.
Cette année, les deux pics de surmortalité survenus ce printemps et cet automne ont concerné essentiellement les 65 ans et plus. Durant cette deuxième vague, l'excès de mortalité est particulièrement élevé en Suisse romande, avec en tête Fribourg et le Valais qui ont enregistré, durant la dernière semaine d’octobre, plus du double de décès qu’escompté. Le Covid-19 tue tout particulièrement les plus de 80 ans.
Maladies cardiovasculaires et cancers en tête
L’OFS a récemment publié une étude sur les causes de la mortalité en 2018. Les maladies cardiovasculaires et le cancer ont été les plus meurtriers cette année-là. Ils ont été responsables de près de 57% des décès. Ont suivi la démence et les maladies respiratoires.
Le Covid-19 change-t-il la donne? «Il est trop tôt pour le dire», répond Rolf Weitkunat. La statistique des causes de décès repose sur les déclarations que sont tenus de faire les médecins. «Établir cette statistique prend du temps. Il faut d’abord coder les informations sur chacun des quelque 67.000 certificats de décès», souligne-t-il. Ce travail de codage dure environ un an. Lorsque les indications fournies par les médecins sont incomplètes ou contradictoires, il faut par exemple obtenir des renseignements complémentaires, ce qui retarde le temps de traitement. Les données ne peuvent faire l’objet d’une analyse qu’une fois codées.
Un baby-boom?
Les statistiques de la mortalité sont étroitement liées à la démographie et la pyramide des âges. Or, la population suisse vieillit et les naissances sont en baisse. Aura-t-on un baby-boom suite au semi-confinement de ce printemps? Là aussi, il est trop tôt pour se prononcer. Les bébés conçus en avril naîtront en janvier.
«Cependant, d'après les travaux existants, les crises dans les pays du Nord ont plutôt tendance à déprimer la fécondité momentanément. Les incertitudes liées à l'avenir freinent les couples dans leur projet de famille. Par contre, dans les pays du Sud ou alors à l'époque d'avant la contraception au Nord, on peut observer des pics de naissances après des événements perturbateurs», indique Clémentine Rossier, démographe à l’Université de Genève.