18 septembre 2020, 16h25
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«Une meilleure qualité de vie et des rentes plus sûres pour tous». Sous ce nom accrocheur, le conseiller aux Etats, Ruedi Noser, propose de relever l’âge de la retraite à 67 ans. En échange, l’élu PLR souhaite instaurer deux semaines supplémentaires de vacances obligatoires. Sa motion sera discutée lundi par les sénateurs. Si elle est acceptée, elle devra encore être examinée par le Conseil national.
«Cette mesure améliorera sensiblement le taux de conversion minimum LPP, sans que ce taux ne soit relevé ni que les futurs retraités ne subissent de pertes. Et cela sans augmentation de la TVA», fait valoir le radical zurichois dans son argumentaire.
A ses yeux, si le nombre de semaines de vacances est relevé à six pour les personnes de moins de 50 ans et à sept pour les personnes de 50 ans et plus, les employés auront davantage de temps pour récupérer, seront moins sujets à la maladie et seront enfin moins nombreux à quitter prématurément la vie professionnelle. En contrepartie, l'âge de la retraite sera relevé à 67 ans, sans qu'il y ait augmentation de la durée de vie professionnelle.
Directeur pour la Suisse romande de l’Union patronale, Marco Taddei accueille lui cette proposition avec scepticisme. Selon le responsable, la motion ne répond pas à l’urgence de la situation sur le front de l’AVS. Elle est aussi vouée à l’échec devant le peuple.
Pourquoi rejetez-vous ce projet?
Le train est déjà lancé avec la réforme AVS 21 débattue au Parlement fédéral. La motion de Ruedi Noser ne fait que ralentir les discussions.
Or il est urgent de réformer le premier pilier qui se trouve dans une situation financière alarmante. Du fait de l’évolution démographique, cette assurance sociale se situe dans les chiffres rouges depuis 2014. En 1948, la Suisse comptait 6,5 actifs pour un rentier. En 2035, ils ne seront plus que deux pour ce même rentier. Et les deux milliards de francs supplémentaires injectés chaque année dans l’AVS, suite à l’acceptation de la réforme fiscale de 2019, ne suffisent pas. D’ici 2030, il manquera 26 milliards de francs.
Ces vingt dernières années, toutes les réformes de la prévoyance professionnelle ont par ailleurs été balayées dans les urnes. Il faut donc trouver une solution de compromis.
Or la proposition de Ruedi Noser a peu de chances de passer devant le peuple. Les Suisses ont déjà refusé six semaines de vacances en 2012. Le conseiller aux Etats préconise également un relèvement immédiat, sans périodes de transition, de l’âge de la retraite à 67 ans pour tous. Cela aussi ne passera pas le cap de la votation populaire. Il y a déjà des résistances pour augmenter l’âge de la retraite des femmes à 65 ans comme le veut le projet du Conseil fédéral, AVS 21.
Relever l'âge de la retraite à 67 ans, est-ce tout de même une bonne idée?
Nous sommes pour un relèvement de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans dans un premier temps. Ce relèvement devrait s’accompagner d’un correctif social en faveur des femmes et des bas salaires. A plus long terme, nous pouvons envisager une augmentation progressive à 66 ans pour tout le monde et ensuite à 67 ans. Il convient d’agir par paliers.
Deux semaines de vacances supplémentaires, est-ce une compensation qui se justifie?
Non. Ruedi Noser affirme que sa proposition sera neutre en termes de coûts salariaux. Or le Conseil fédéral a montré, lors de la votation sur les six semaines de vacances, que passer de quatre à six semaines de congé augmente l’indemnité de salaire de 4%. D’après nos calculs, cela représente cinq milliards de francs supplémentaires par an à charge des entreprises. Il s’agit d’une hausse inacceptable en ce temps de Covid. La priorité? Maintenir les emplois et non pas augmenter les charges salariales.
Cette motion, c’est aussi une ingérence étatique dans les entreprises. Elle affaiblit encore les conventions collectives de travail (CCT) qui disposent de leurs propres solutions en matière de vacances. Au final, elle conduit à moins de libertés pour les partenaires sociaux.
Cette proposition pose également problème au niveau de l’organisation des entreprises. Pour les employés, il faudra faire le même travail avec moins de temps donc cela impliquera un stress supplémentaire.