Les fabricants de drones sont inquiets. Ils risquent de perdre leur accès au marché européen. Après le National en septembre, le Conseil des Etats a validé mardi, par vingt voix contre dix-huit, un changement de loi les concernant directement. Cette décision affecte le règlement de l’UE sur les aéronefs sans équipage à bord qui doit entrer en vigueur en janvier prochain.
Le texte adopté par les parlementaires demande d’exclure l’aéromodélisme de cette loi. Aux yeux de la majorité des élus, les critères européens sont contraignants, inefficaces d’un point de vue sécuritaire et trop lourds administrativement pour les 15.000 personnes s’adonnant à cette activité en Suisse.
Seulement, pour modifier ce nouveau règlement, il faut que les deux parties soient d’accords. Pour l’Office fédéral de l’aviation civile (Ofac), cela risque fort de ne pas être le cas. Bruxelles pourrait alors ne pas reconnaître les certifications helvétiques apposées sur les drones et les robots.
De l’avis du gouvernement, cette situation contraindrait les entreprises du secteur à transférer leur siège ailleurs en Europe. «Cette réglementation est essentielle pour l'industrie suisse des drones et de la robotique. Les Chambres ne devront pas arriver, dans quelques mois, avec des motions demandant un soutien pour ce secteur», a déclaré, lors du débat, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga. La ministre des transports a aussi rappelé que la Suisse a participé à l’élaboration de cette réglementation. Et les pourparlers ont duré pas moins de six ans.
"En plein brouillard"
CEO d’Involi, Manu Lubrano ne cache pas sa déception. «Nous attendions cette loi depuis tellement longtemps. La décision du Parlement nous met dans une grande incertitude. Nous nageons en plein brouillard», déplore-t-il. Basée dans le canton de Vaud, son entreprise de services aux drones est directement concernée par cette résolution.
Le jeune patron attend désormais de voir comment la situation évoluera ces prochains mois. «Que va répondre l’Europe à la demande de renégociation, c’est la grande question», estime celui qui est également président de la Drone Industry Association Switzerland (DIAS). Et d’ajouter que son industrie a besoin de l’étranger pour fonctionner, le marché suisse étant trop petit. «Nous sommes complètement tournés vers l’export. L’UE est notre premier partenaire commercial, devant les Etats-Unis et l’Asie», précise-t-il.
Double réglementation dissuasive
Seule consolation pour Manu Lubrano: il y aura, dès janvier, une loi unifiée valable dans tous les pays membres de l’UE. Quant au risque de délocalisation, il est encore trop tôt pour l’évaluer, d’après lui. «Reste que nous sommes une industrie naissante. Chaque petit caillou dans nos chaussures nous met en danger. Cette réglementation, c’est important pour notre survie», souligne-t-il.
Sur sol helvétique, l’industrie du drone emploie environ 3000 personnes et compte une centaine de sociétés. Elle se compose essentiellement de PME et de start-ups. En attendant la résolution de ce problème entre Berne et Bruxelles, elle devra désormais travailler avec deux réglementations différentes: celle de l’Europe et celle de la Suisse.
Cette double réglementation risque fort de dissuader les entreprises du secteur à venir s’installer en Suisse, selon la DIAS. Dernièrement, de nombreuses sociétés étrangères ont pris leur quartier sur sol helvétique comme les américaines, Matternet et Airmap, le japonais Sony ou encore le chinois Yuneec.