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Immigration européenne: pourquoi les PME romandes ont-elles changé d'avis?

En 2012, la majorité des entreprises romandes était favorable à l’initiative contre l’immigration de masse. Elle mettait en exergue la pression européenne sur les salaires.

Le besoin en chauffeurs routiers européens ne faiblit pas en Suisse. (Keystone)
Le besoin en chauffeurs routiers européens ne faiblit pas en Suisse. (Keystone)
15 septembre 2020, 15h11
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Les PME romandes sont presque unanimes: elles rejettent l’initiative pour une immigration modérée soumise au peuple le 27 septembre. Le non a été très net auprès des sociétés membres de l’Union suisse des arts et métiers (Usam). En 2012 cependant, la situation n’était pas aussi claire. Un sondage mené par M.I.S Trend concluait alors que 57% des entreprises romandes acceptaient l’initiative contre l’immigration massive. Or ces deux textes poursuivent le même objectif: permettre à la Suisse de gérer de façon autonome son flux d’immigrés européens.

Une concurrence déloyale

Pour expliquer le résultat de l’enquête de 2012, l’Usam mettait alors exergue dans la presse deux problèmes: la sous-enchère salariale et les faux indépendants. En effet, 80% des sondés exigeaient davantage de contrôles pour lutter contre le dumping. Les micro-entreprises notamment actives dans la construction craignaient tout particulièrement leurs concurrents étrangers avec des salaires plus bas. Elles dénonçaient une forme de concurrence déloyale. Les PME favorables à l’initiative avançaient aussi comme arguments l’encombrement du trafic et la cherté du logement.

Une initiative plus drastique

Responsable de la politique économique auprès de l’Usam, Henrique Schneider souligne que le texte actuel est formulé de manière plus «radicale» que ne l'était l'initiative contre l'immigration de masse. Un élément d’explication saillant puisqu’en 2012 déjà, l’immense majorité des entreprises questionnées disaient tenir à la libre circulation des personnes et aux frontaliers. Et 40% d’entre elles affirmaient avoir besoin de main-d’œuvre européenne pour fonctionner. «Les PME constatent par ailleurs que l'initiative de 2014 est en cours de mise en œuvre», poursuit Henrique Schneider. Cette initiative oblige les entreprises actives dans les secteurs qui enregistrent plus de 5% de taux de chômage d’annoncer leurs postes vacants auprès des Offices régionaux de placement (ORP). Elles doivent attendre cinq jours avant de pouvoir publier leurs offres d’emploi ailleurs. En 2019, près de 200.000 postes ouverts ont ainsi été signalés aux ORP. Henrique Schneider avance encore une autre explication: le recul de l’immigration. En 2017, 147.000 étrangers sont venus s’installer en Suisse contre 145.000 en 2019, d’après les chiffres de l’Office fédéral de la statistique (OFS).

Embûches à l’embauche

Le responsable de la politique économique de l’Usam précise également: «Nous sommes dans une grave récession. Il est plus clair que jamais pour les sociétés qu'il faut créer ou maintenir de bonnes conditions-cadres avec l’Union européenne (UE)». Président du conseil d’administration de Faucherre Transports, Jean-Daniel Faucherre ne dit pas autre chose: «Il faut continuer sur la voie bilatérale.» Bien que farouchement opposé à l’intégration européenne, il soutient ne pas pouvoir fonctionner sans la libre circulation des personnes. Et d’illustrer son propos: «J’ai accueilli un ancien militaire français dans mon bureau pour un entretien d’embauche. Ce dernier souhaite s’installer en Suisse. Avec l’initiative pour une immigration modérée, il ne pourra pas directement venir travailler. Cette initiative compliquera les embauches et mes employés qui habitent à côté de la frontière seront coincés.»

Pas de main-d'oeuvre en Suisse

Chez Faucherre Transports, 75% du personnel est d’origine étrangère. «Sur le marché suisse, nous ne trouvons tout simplement pas de chauffeurs. Et ce n’est pas une question de salaire puisque nous rémunérons nos chauffeurs 6500 francs par mois. Ce n’est pas non plus une question d’horaires pénibles puisque les transporteurs routiers ont l’interdiction de travailler le soir et le week-end», signale le président du conseil d’administration. L’entreprise familiale emploie 80 personnes réparties entre Moudon et Satigny. Elle réalise un chiffre d’affaires annuel d’environ 12 millions de francs. Jean-Daniel Faucherre n’est d’ailleurs pas le seul à craindre pour son personnel. L’industrie des technologies de l’information et de la communication (TIC) a récemment fait part de son inquiétude. Une étude réalisée par l’Institut bâlois pour la recherche économique (IWSB) indique que la Suisse aura besoin de 117.900 professionnels des TIC supplémentaires d’ici 2028. >>Lire aussi: Magdalena Martullo-Blocher: "Notre initiative ne remet pas en question l'accès au marché européen"