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«A Bruxelles, les responsables européens en ont assez des tergiversations de la Suisse»

Pour l'avocat d'affaires suisse établi à Bruxelles Jean Russotto, il revient au Conseil fédéral «à présent d’aller de l’avant».

«Le score de ce dimanche est une confirmation limpide que la Suisse tient à la libre circulation de personnes» (DR)
«Le score de ce dimanche est une confirmation limpide que la Suisse tient à la libre circulation de personnes» (DR)
Frédéric Lelièvre
CEO et Rédacteur en chef - L'Agefi
27 septembre 2020, 17h50
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Senior partner du cabinet Steptoe à Bruxelles, l’avocat d’affaires suisse Jean Russotto conseille les entreprises helvétiques sur les questions européennes.

Ce rejet de l’initiative de limitation, est-ce un soulagement ?
Oui. Le score de ce dimanche est une confirmation limpide que la Suisse tient à la libre circulation de personnes, qui est, rappelons-le, le pilier de l’Union européenne (UE), le fondement de son marché intérieur, auquel s’ajoutent la circulation des biens, des capitaux, des services. De façon non équivoque, la Suisse dit que ces accords bilatéraux doivent poursuivis et non abandonnés.

Le prochain débat est déjà lancé, celui de l’accord institutionnel avec l’UE. En quoi cet accord est-il important ?
C’est important à Bruxelles. Les accords bilatéraux sont trop complexes, très lourds et ne correspondent plus à ce que l’UE entend faire. Depuis plusieurs années, elle déclare qu’un nouveau cadre est nécessaire pour ramener ces accords sous un toit commun.
Du côté suisse aussi, l’on veut pérenniser, sécuriser nos relations avec l’UE. Cela concerne cinq accords (ndlr : libre circulation des personnes, transports terrestres, transport aérien, obstacles techniques au commerce et agriculture, ainsi que de futurs accords d’accès au marché, notamment dans le domaine de l’électricité).
Ceci dit, nous n’avons pas franchement le choix. Parce que l’on constate une lente mais certaine érosion patience du côté de l’UE…

Pourtant, cet accord ne convainc pas en Suisse, comme le montre la lettre adressée au Conseil fédéral par patronats et syndicats…
Le débat a été oblitéré jusqu’à maintenant. Pour de bonnes raisons démocratiques, le Conseil fédéral n’a pas répondu à la fameuse lettre de juin 2019 de Jean-Claude Juncker dans laquelle l’ex-président de la Commission, de façon parfaitement claire, se disait ouvert à clarifier dans cet accord ce qui devait l’être. Aujourd’hui, avec le score populaire de ce dimanche, tous les signaux sont au vert. Au Conseil fédéral à présent d’aller de l’avant.
Les syndicats bloquent, c’est vrai. Si cet accord n’est pas parfait, mais l’UE est parfaitement disposée à le clarifier. Mais si la Suisse demande à le renégocier, Bruxelles s’y opposera.

Ne risque-t-on pas de se retrouver dans une impasse ?
A Bruxelles, les responsables européens en ont assez des tergiversations de la Suisse. Or des dossiers importants se trouvent sur la table. Pensez à l’équivalence boursière, le programme de recherche Horizon Europe, la reconnaissance mutuelle des appareils médicaux… Le Conseil fédéral pourrait créer une feuille de route en vue de signer l’accord et simultanément régler en parallèle les nombreux autres dossiers en suspens, peut-être sous forme d’un paquet que la Suisse apprécie tant.

Les mesures d’accompagnement seront-elles fragilisées, comme le redoutent les syndicats ?
Pas si clarifier les choses sur ce point signifie trouver des aménagements. Quand on parle aux négociateurs à Bruxelles, il y a une marge pour les mesures d’accompagnement.
L’autre point qui m’inquiète, et c’est la vraie bataille, concerne le règlement des différends, qui passe par accepter la jurisprudence européenne. Il y a des mécanismes qui nous protègent. Notez aussi que la Cour de justice européenne est des plus progressistes, au contraire de ce que l’on voit aux Etats-Unis. Hélas, les syndicats et d’autres ne veulent pas le reconnaître. L’UDC y voit une adhésion déguisée. Si l’accord échoue sur cette question, on troquera la victoire magistrale de ce dimanche pour une retraite en rase campagne.

Au Conseil fédéral donc de montrer sa vision européenne, lui qui pourtant paraît divisé…
Si le Conseil fédéral est divisé, il serait sain de le dire plutôt que de rester silencieux. Et si l’accord échoue, l’UE ne nous fera pas la guerre, mais d’importants accords, comme ceux liés à la recherche, en subiront les conséquences.